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Sa Majesté, qui le remarque,
Fait semblant de les honorer ;
Et de cette fausse monnoie
Que le courtisan donne au roi,
Et que le prince lui renvoie,
Chacun vit, ne songeant qu’à soi.
Mais lorsque la philosophie,
La séduisante poésie,
Le goût, l’esprit, l’amour des arts,
Rejoignent sous leurs étendards,
À trois cents milles de distance,
Votre très-royale éloquence,
Et mon goût pour tous vos talents ;
Quand, sans crainte et sans espérance,
Je sens en moi tous vos penchants ;
Et lorsqu’un peu de confidence
Resserre encor ces nœuds charmants ;
Enfin lorsque Berlin attire
Tous mes sens à Cirey séduits,
Alors ne pouvez-vous pas dire :
On m’aime, tout roi que je suis ?
Enfin l’océan germanique.
Qui toujours des bons Hamhourgeois
Servit si bien la république,
Vers Embden sera sous vos lois,
Avec garnison batavique.
Un tel mélange me confond ;
Je m’attendais peu, je vous jure,
De voir de l’or avec du plomb ;
Mais votre creuset me rassure :
À votre feu, qui tout épure,
Bientôt le vil métal se fond,
Et l’or vous demeure en nature.

    Votre muse retient mes pas :
    Et je suis serviteur du sage,
    Quoique mon cœur ne le soit pas.
    Votre esprit sublime et facile,
    Vos entretiens et votre style,
    Ont pour moi des charmes plus doux
    Que votre suprême puissance,
    Vos grenadiers, votre opulence,
    Et cent villes à vos genoux.
    Dussé-je leur faire une offense,
    Je ne puis rien aimer que vous.
    Ceux qui sont nés, etc.