Jean Rousseau[1], banni de Paris,
Vit émousser dans ce pays
Le tranchant aigu de sa pince ;
Et sa muse, qui toujours grince,
Et qui fuit les Jeux et les Ris,
Devint ici grossière et mince.
Comment vouliez-vous que je tinsse
Contre ces frimas épaissis ?
Vouliez-vous que je redevinsse
Ce que j’étais quand je suivis
Les traces du pasteur du Mince[2],
Et que je chantai les Henris ?
Apollon la tête me rince ;
Il s’aperçoit que je vieillis.
Il voulut qu’en lisant Leibnitz
De plus rimailler je m’abstinsse ;
Il le voulut, et j’obéis :
Auriez-vous cru que j’y parvinsse ?
ÉPÎTRE LXII.
Vous flattez trop ma vanité :
Cet art si séduisant vous était inutile ;
L’art des vers suffisait ; et votre aimable style
M’a lui seul assez enchanté.
Votre âge quelquefois hasarde ses prémices[3].
- ↑ C’est de J.-B. Rousseau qu’il est question ; voyez les notes de la page 283.
- ↑ Virgile, pasteur du Mincio.
- ↑ Le marquis de Ximenès est né en 1726 ; il est mort en 1817. C’est le 31 décembre 1742 qu’il avait adressé des vers à Voltaire. Il en donne la date dans un recueil qu’il publia en 1772. (B.)