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C’est un honneur dont je serais jaloux,
Si jamais j’étais à leur place.




ÉPÎTRE XLVIII.


À MONSIEUR LE COMTE ALGAROTTI[1].


(1735)


Lorsque ce grand courrier de la philosophie,
Condamine l’observateur[2],
De l’Afrique au Pérou conduit par Uranie,
Par la gloire, et par la manie,
S’en va griller sous l’équateur,
Maupertuis et Clairaut, dans leur docte fureur,
Vont geler au pôle du monde.
Je les vois d’un degré mesurer la longueur,
Pour ôter au peuple rimeur
Ce beau nom de machine ronde,
Que nos flasques auteurs, en chevillant leurs vers,
Donnaient à l’aventure à ce plat univers.

Les astres étonnés, dans leur oblique course,
Le grand, le petit Chien, et le Cheval, et l’Ourse,
Se disent l’un à l’autre, en langage des cieux :
« Certes, ces gens sont fous, ou ces gens sont des dieux. »

Et vous, Algarotti[3], vous, cygne de Padoue,

  1. Cette épître, imprimée dans les Nouveaux Amusements du cœur et de l’esprit, tome III, page 254, y est datée : À Cirey, près Vassi, le 15 octobre 1735. Elle avait été imprimée, par Desfontaines, dans le tome III de ses Observations sur les écrits modernes, malgré Voltaire. (B.)
  2. MM. Godin, Bouguer, et de La Condamine, étaient partis alors pour faire leurs observations en Amérique, dans des contrées voisines de l’équateur. MM. de Maupertuis, Clairaut, et Le Monnier, devaient, dans la même vue, partir pour le nord, et M. Algarotti était du voyage. Il s’agissait de décider si la terre est un sphéroïde aplati ou allongé. (Note de Voltaire, 1739.)
  3. M. Algarotti faisait très-bien des vers en sa langue, et avait quelques connaissances en mathématiques. (Id., 1739.)