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Le temps, la triste adversité
Détend les cordes de ma lyre.
Les Jeux, les Amours, m’ont quitté ;
C’est à toi qu’ils viennent sourire,
C’est toi qu’ils veulent inspirer,
Toi qui sais, dans ta double ivresse.
Chanter, adorer ta maîtresse,
En jouir, et la célébrer.
Adieu ; quand mon bonheur s’envole,
Quand je n’ai plus que des désirs,
Ta félicité me console
De la perte de mes plaisirs.




ÉPÎTRE XLV.


À URANIE[1].


(1734)


Je vous adore, ô ma chère Uranie !
Pourquoi si tard m’avez-vous enflammé ?
Qu’ai-je donc fait des beaux jours de ma vie
Ils sont perdus ; je n’avais point aimé.
J’avais cherché dans l’erreur du bel âge
Ce dieu d’amour, ce dieu de mes désirs ;
Je n’en trouvai qu’une trompeuse image,
Je n’embrassai que l’ombre des plaisirs.
Non, les baisers des plus tendres maîtresses
Non, ces moments comptés par cent caresses,
Moments si doux et si voluptueux,
Ne valent pas un regard de tes yeux.
Je n’ai vécu que du jour où ton âme
M’a pénétré de sa divine flamme ;
Que de ce jour où, livré tout à toi,
Le monde entier a disparu pour moi.

  1. L’Uranie de Voltaire, en 1734, était Mme  du Châtelet. (B.)