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Et pleins d’honneur et de folie.
Je vois briller au milieu d’eux
Ce fantôme nommé la Gloire,
À l’œil superbe, au front poudreux,
Portant au cou cravate noire,
Ayant sa trompette en sa main,
Sonnant la charge et la victoire,
Et chantant quelques airs à boire,
Dont ils répètent le refrain[1].
Ô nation brillante et vaine !
Illustres fous, peuple charmant,
Que la Gloire à son char enchaîne,
Il est beau d’affronter gaîment
Le trépas et le prince Eugène.
Mais, hélas ! quel sera le prix
De vos héroïques prouesses !
Vous serez cocus dans Paris
Par vos femmes et vos maîtresses[2].




ÉPÎTRE XLIV.


À MONSIEUR LE COMTE DE TRESSAN.


(1734)


Hélas ! que je me sens confondre
Par tes vers et par tes talents !
Pourrais-je encore à quarante ans
Les mériter, et leur répondre ?

  1. Après ce vers, on lisait ceux-ci, qui étaient à la fin de la pièce :
    Déjà le maréchal de Noaille,
    Qui suit ce fantôme au grand trot,
    Croyant qu’on va donner bataille,
    En paraît un peu moins dévot ;
    Tous les saints au diable il envoie,
    Et vient de donner pour le mot :
    Vive l’honneur ! vive la joie !
  2. Dans une ancienne édition on ne trouve pas les quatre derniers vers. (B.)