Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le terrasser n’est pas un jeu.
Tu dois m’entendre, et moi me taire ;
Car c’est trop longtemps tutoyer
Du parlement un conseiller :
Ma muse un peu trop familière
Pourrait à la fin l’ennuyer,
Peut-être même lui déplaire.
Qu’il sache pourtant qu’à Cythère
L’Amitié, l’Amour, et leur mère,
Parlent toujours sans compliment ;
Qu’avec Hortense ma tendresse
N’en use jamais autrement,
Et j’estime autant ma maîtresse
Qu’un conseiller au parlement.




ÉPÎTRE XXXIII,
CONNUE SOUS LE NOM DES VOUS ET DES TU[1].


Philis[2], qu’est devenu ce temps
Où dans un fiacre promenée,

  1. Cette épître a été adressée à Mlle  de Livry, alors Mme  la marquise de Gouvernet. C’est d’elle que parle M. de Voltaire dans son épître à M. de Genonville, dans l’épître adressée à ses mânes, et dans celles à M. le duc de Sully, à M. de Gervasi. Le suisse de Mme  la marquise de Gouvernet ayant refusé la porte à M. de Voltaire, que Mlle  de Livry n’avait point accoutumé à un tel accueil, il lui envoya cette épître. Lorsqu’il revint à Paris, en 1778, il vit chez elle Mme  de Gouvernet, âgée comme lui de plus de quatre-vingts ans, veuve alors, et qui pouvait le recevoir sans conséquence. C’est on revenant de cette visite qu’il disait : « Ah ! mes amis, je viens de passer d’un bord du Cocyte à l’autre. » Mme  de Gouvernet envoya le lendemain à Mme  Denis un portrait de M. de Voltaire peint par Largillière, qu’il lui avait donné dans le temps de leur première liaison, et qu’elle avait conservé malgré leur rupture, son changement d’état, et sa dévotion. (K.)
  2. Mlle  de Livry, jeune et jolie personne, intéressa Voltaire, qui lui donna des leçons de déclamation : elle devint sa maîtresse, et se passionna pour Genonville, ami de Voltaire. Elle passa en Angleterre avec une troupe de comédiens français, qui firent mal leurs affaires. Elle trouva un asile dans la maison d’un Français qui tenait un café. Le maître de la maison, touché de sa position et de la conduite réservée qu’elle menait, en parlait à tout le monde. Un M. de Gouvernet, surnommé le Fleuriste, habitué du café, voulut la voir ; il y parvint, mais non sans peine. Elle lui inspira des sentiments si vifs qu’il lui offrit sa main. Mlle  de Livry se refu-