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Je vous en fais mon compliment[1].
On pourrait bien à l’aventure
Choisir un autre greluchon[2],
Plus Alcide pour la figure,
Et pour le cœur plus Céladon ;
Mais quelqu’un plus aimable, non ;
Il n’en est point dans la nature :
Car, madame, où trouvera-t-on
D’un ami la discrétion,
D’un vieux seigneur la politesse,
Avec l’imagination
Et les grâces de la jeunesse ;
Un tour de conversation
Sans empressement, sans paresse,
Et l’esprit monté sur le ton
Qui plaît à gens de toute espèce ?
Et n’est-ce rien d’avoir tâté
Trois ans de la formalité
Dont on assomme une ambassade[3],
Sans nous avoir rien rapporté
De la pesante gravité
Dont cent ministres font parade ?
À ce portrait si peu flatté[4],
Qui ne voit mon Alcibiade ?



  1. Variante :
    Je vous en fais mon compliment.
    On peut en prendre sans façon
    Un plus vigoureux, je vous jure ;
    Mais quelqu’un plus aimable, non.
  2. Terme familier qui signifie un amant de passage. (Note de Voltaire, 1742.) — Il signifie aujourd’hui le galant qui est reçu gratis par la femme que payent d’autres personnes. (B.)
  3. Richelieu avait été nommé à l’ambassade de Vienne, en 1725.
  4. Ce vers et le suivant sont, dans l’original, remplacés par deux autres vers et deux lignes de prose que voici :
    C’est bien dommage, en vérité.
    Qu’un pareil amant soit malade.

    « Voilà bien des vers, mon cher monsieur, qui ne valent pas assurément ni la
    personne dont je parle, ni celle à qui je les envoie. » (B.)