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Plaise aux dieux que votre héros
Pousse plus loin ses destinées,
Et qu’après quelque trente années
Il vienne goûter le repos
Parmi nos ombres fortunées !
En attendant, si de Caron
Il ne veut remplir la voiture,
Et s’il veut enfin tout de bon
Terminer la grande aventure,
Dites-lui de troquer Chambon[1]
Contre quelque once de mercure. »




ÉPÎTRE XVI.


À S. A. S. MONSEIGNEUR LE PRINCE DE CONTI[2].


(1718)


Conti, digne héritier des vertus de ton père,
Toi que l’honneur conduit, que la justice éclaire,
Qui sais être à la fois et prince et citoyen,
Et peux de ta patrie être un jour le soutien,
Reçois de ta vertu la juste récompense,
Entends mêler ton nom dans les vœux de la France,
Vois nos cœurs, aujourd’hui justement enchantés,
Au-devant de tes pas voler de tous côtés ;
Connais bien tout le prix d’un si rare avantage ;
Des princes vertueux c’est le plus beau partage ;
Mais c’est un bien fragile, et qu’il faut conserver :
Le moindre égarement peut souvent en priver.
Le public est sévère, et sa juste tendresse
Est semblable aux bontés d’une fière maîtresse,
Dont il faut par des soins solliciter l’amour ;

  1. Propriété du prince.
  2. Louis-Armand, né en 1695, mort en 1727. C’est le même qui adressa des vers au jeune Arouet après la première représentation d’Œdipe. (G. A.)