Ce nom dont l’univers aime à s’entretenir,
Passe de bouche en bouche aux siècles à venir.
C’est ainsi qu’on dira chez la race future :
Pliilippe eut un cœur noble ; ami de la droiture,
Politique et sincère, habile et généreux,
Constant quand il fallait rendre un mortel heureux ;
Irrésolu, changeant, quand le bien de l’empire
Au malheur d’un sujet le forçait à souscrire ;
Affable avec noblesse, et grand avec bonté,
Il sépara l’orgueil d’avec la majesté ;
Et le dieu des combats, et la docte Minerve,
De leurs présents divins le comblaient sans réserve ;
Capable également d’être avec dignité
Et dans l’éclat du trône et dans l’obscurité :
Voilà ce que de toi mon esprit se présage.
Ô toi de qui ma plume a crayonné l’image,
Toi de qui j’attendais ma gloire et mon appui,
Ne chanterai-je donc que le bonheur d’autrui ?
En peignant ta vertu, plaindrai-je ma misère ?
Bienfaisant envers tous, envers moi seul sévère,
D’un exil rigoureux tu m’imposes la loi ;
Mais j’ose de toi-même en appeler à toi.
Devant toi je ne veux d’appui que l’innocence ;
J’implore ta justice, et non point ta clémence.
Lis seulement ces vers, et juge de leur prix ;
Vois ce que l’on m’impute, et vois ce que j’écris.
La libre vérité qui règne en mon ouvrage
D’une âme sans reproche est le noble partage ;
Et de tes grands talents le sage estimateur
N’est point de ces couplets l’infâme et vil auteur[1].
Philippe, quelquefois sur une toile antique
Si ton œil pénétrant jette un regard critique,
Par l’injure du temps le portrait effacé
Ne cachera jamais la main qui l’a tracé ;
D’un choix judicieux dispensant la louange,
Tu ne confondras point Vignon et Michel-Ange.
Prince, il en est ainsi chez nous autres rimeurs ;
Et si tu connaissais mon esprit et mes mœurs.
D’un peuple de rivaux l’adroite calomnie
- ↑ Voyez, aux Poésies mêlées, ces couplets dont Voltaire est assurément l’auteur. (G. A.)