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Voudrais-tu mépriser tant de dons précieux ?
N’occuperas-tu tes beaux yeux
Qu’à lire Massillon, Bourdaloue, et La Rue ?
Ah ! sur d’autres objets daigne arrêter ta vue :
Qu’une austère dévotion
De tes sens combattus ne soit plus la maîtresse ;
Ton cœur est né pour la tendresse,
C’est ta seule vocation.
La nuit s’avance avec vitesse ;
Profite de l’éclat du jour :
Les plaisirs ont leur temps, la sagesse a son tour.
Dans ta jeunesse fais l’amour,
Et ton salut dans ta vieillesse. »

Ainsi parlait ce dieu. Déjà même en secret
Peut-être de ton cœur il s’allait rendre maître ;
Mais au bord de ton lit il vit soudain paraître
Le révérend père Quinquet.
L’Amour, à l’aspect terrible
De son rival théatin,
Te croyant incorrigible,
Las de te prêcher en vain,
Et de verser sur toi des larmes inutiles,
Retourna dans Paris, où tout vit sous sa loi,
Tenter des beautés plus faciles,
Mais bien moins aimables que toi.




ÉPÎTRE VII.


À MONSIEUR LE DUC D’AREMBERG[1].


D’Aremberg, où vas-tu ? penses-tu m’échapper ?
Quoi ! tandis qu’à Paris on l’attend pour souper,

  1. Léopold, duc d’Aremberg, né le 14 octobre 1690, blessé à la bataille de Malplaquet en 1709. J’avais d’abord cru et daté cette épître de 1745 ; mais si elle est postérieure au 15 auguste 1715, date de la mort de Philippe, marquis de Rothelin, comte de Moussi, elle est antérieure au 20 septembre 1719, date de la mort de Courcillon. (B.)