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208 LE TEMPS PRÉSENT. Si^

Choiseul est agricole, et Voltaire est fermier^ ; L'art qui nourrit le monde est un méchant métier. Laissons là ce Choiseul si grand, si magnanime, Ce Voltaire mourant qui radote et qui rime, Qu'un fripon persécute, et qui dans son hameau Rit encor des Frérons au hord de son tombeau. Songez à vous, amis; contemplez les misères Qu'accumulent sur vous des brigands mercenaires. Subalternes tyrans munis d'un parchemin. Ravissant les épis qu'a semés votre main. Vous traînant aux cachots, à la rame, aux corvées ; Tandis que de leurs pleurs vos femmes al)reuvées Pressent en vain vos fils mourants entre leurs bras. Travaillez, succombez, invoquez le trépas. Mourez sur un fumier, le seul bien qui vous reste : Ou, si vous survivez à cet état funeste. Sous l'horrible débris de vos toits écrasés. Sans vêtements, sans pain, dansez, si vous l'osez. » A peine eus-je parlé, mille voix éclatèrent ; Jusqu'aux bords étrangers les échos répétèrent : Ce temps affreux n'est plus; on a brisé nos fers^.

Justement étonné de ces nouveaux concerts : u Quel Hercule, disais-je, a fait ce grand ouvrage! Quel Dieu vous a sauvés? » On répond : « C'est un sage. — Un sage! Ah, juste ciel! à ce nom je frémis. Un sage ! il est perdu : c'en est fait, mes amis. Ne les voyez-vous pas ces monstres scolastiques. Ces partisans grossiers des erreurs tyranniques. Ces superstitieux qu'on vit dans tous les temps Du vrai qui les irrite ennemis si constants. Rassemblant les poisons dont leur troupe est pourvue ? Socrate est seul contre eux, et je crains la ciguë ^ »

1. Le 16 février 1775, jour de la réception de Maleslierbes à l'Académie fran- çaise, l'abbé Delille avait lu deux chants d'un poëine sur la nature champêtre, qu'il a depuis intitulé l' Homme des cliainps, dont la première édition est de 1800. Mais je n'y ai pas trouvé ce vers que Voltaire cite encore dans sa lettre au cheva- lier de Lisle, du 2.j mars 1775. (B.)

2. Le roi Louis XVI venait d'abolir les corvées, et de défendre qu'on poursuivît arbitrairement les débiteurs du fisc. Ces deux opérations si simples n'ont rien coûté à la couronne, et auraient été le .salut du peuple.... {Note de Voltaire.)

3. Il faut être juste ; les prêtres n'eurent aucune part aux intrigues, aux calom- nies qui privèrent la France du ministre le plus éclairé et le plus vertueux qui ait jamais gouverné un grand empire. (K.) — Le ministre vertueux dont parlent

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