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178 LES CABALES. • [is]

Je ne veux que Tôter à quiconque en jouit. Dans ce noble métier l'ami Fréron m'instruit. Monsieur l'abbé Profond m'introduit chez les dames ; Avec deux beaux esprits nous ourdissons nos trames. Nous serons dans un mois l'un de l'autre ennemis ; Mais le besoin présent nous tient encore unis. Je me forme sous eux - dans le bel art de nuire : Voilà mon seul talent ; c'est la gloire où j'aspire, »

Laissons là de Dijon ce pauvre garnement ^ De bâtards de Zoïle imbécile instrument ; Qu'il coure à l'hôpital, où son destin le mène.

Allons nous réjouir aux jeux de Melpomène... Bon ! j'y vois deux partis l'un à l'autre opposés : Léon Dix et Luther étaient moins divisés. L'un claque, l'autre siffle ; et l'antre du parterre*. Et les cafés voisins sont le champ de la guerre.

Je vais chercher la paix au temple des chansons. J'entends crier : « LuUi, Gampra, Rameau, Boufl'ons ',

\. Au lieu de Profond, la première édition porte Mably. Cet abbc était le pro- tecteur de Clément de Dijon.

2. Variante :

Je me forme avec eux.

3. Ce garnement de Dijon est un nommé Clément, maître de quartier dans un collège de Dijon, qui a fait un livre contre MM. do Saint-Lambert, Delille, de VVatclet, Dorât, et plusieurs autres personnes. L'auteur des Cabales fut maltraité dans ce livre, où règne un air de suffisance, un ton décisif et tranchant qui a été tant blâmé par tous les honnêtes gens dans les hommes les plus accrédités de la littérature, et qui est le comble de l'insolence et du ridicule dans un jeune provin- cial sans expérience et sans génie. (Note de M. de Morza, 1772.) — Il s'est couvert d'opprobre par des libelles aussi atYreu\ qu'absurdes, que la police n'a pas punis parce qu'elle les a ignorés. Les malheureux qui ont composé de tels libelles pour vivre, comme Clément, La Beaumelle, Sabatier natif de Castres, ressemblent pré- cisément au Pauvre Diable, qui est si naturellement peint dans la pièce de ce nom. Il n'est point de vie plus déplorable que la leur. (Id., 1775.)

4. C'est principalement au parterre de la Comédie-Française, à la représentation des pièces nouvelles, que les cabales éclatent avec le plus d'emportement. Le parti qui fronde l'ouvrage et le parti qui le soutient se rangent chacun d'un côté. Les émissaires reçoivent à la porte ceux qui entrent, et leur disent : « Venez-vous pour siffler? mettez-vous là; venez-vous pour applaudir? mettez-vous ici. » Ou a joué quel- quefois aux dés la chute ou le succès d'une tragédie nouvelle au café de Procope. Ces cabales ont dégoûté les hommes de génie, et n'ont pas peu servi à décréditer un spectacle qui avait fait si longtemps la gloire de la nation. (/</., 1772.)

5. La même manie a passé à l'Opéra, et a été encore plus tumultueuse. Mais les cabales au Théâtre-Français ont un avantage que les cabales de l'Opéra n'ont pas: c'est celui de la satire raisonnée. On ne peut à l'Opéra critiquer que des sons; quand on a dit : Cette chaconne, cette loure me déplaît, on a tout dit. Mais à la

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