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[88] LES TROIS EMPEREURS EN SORBONNE. ibb

S'ils sont bien confessés, sont ses heureux enfants. Un Fréron bien huilé verra Dieu face à face * ; Et Turenne amoureux, mourant pour son pays, Brûle éternellement chez les anges maudits. Tel est notre plaisir, telle est la loi de grâce. »

Les divins voyageurs étaient bien étonnés De se voir en Sorbonnc, et de s'y voir damnés : Les vrais amis de Dieu répriment leur colère. Marc-Aurèle lui dit d'un ton très-débonnaire- : « Vous ne connaissez pas les gens dont vous parlez ; Les facultés parfois sont assez mal instruites Des secrets du ïrès-IIaut, quoiqu'ils soient révélés.

quelles douces consolations nous fournit une théologie qui damne à jamais Henri IV, et qui fait un élu de Ravaillac et de ses semblables ! Avouons les obligations que nous avons à Ribaudicr de nous avoir développe cette doctrine. {Noie de Voltaire, 1769.)

t. M. Caille a sans doute accole ces deux noms pour produire le contraste le plus ridicule. On appelle communément à Paris un Fréron tout gredin insolent, tout polisson qui se mélo de faire de mauvais libelles pour de l'argent. Et M. Caille oppose un de ces faquins do la lie du peuple, qui reçoit rextrômc-onction'sur son grabat, au grand Turenne, qui fut tué d'un coup de canon sans le secours des saintes huiles, dans le temps qu'il était amoureux de M'"*' de Coetquen. Cette note rentre dans la précédente, et sert à confirmer l'opinion théologique qui accorde la possession du jardin au dernier malotru couvert d'inftimic, et qui la refuse aux plus grands hommes et aux plus vertueux de la terre. {Id., 1709.)

— On a prétendu que Turenne avait quitté dès 1670 M""- de Coetquen, qui le sacrifiait au chevalier de Lorraine; mais il aima toujours les femmes à la fureur. Ce grand homme, qui, avec des talents militaires du premier ordre et uue âme héroïque, avait un esprit peu éclairé et un caractère faible, était, à ce qu'on dit, devenu dévot dans ses dernières ani>ées; mais l'aventure de M°"^ de Coetquen est postérieure à son abjuration de la religion protestante. C'était un singulier spectacle qu'un homme qui avait gagné des batailles, occupé le matin de savoir au juste ce qu'il faut croire pour n'être pas damné, et cherchant le soir à se damner en com- mettant le péché de fornication ; et que le siècle où l'on admirait tout cela était un pauvre siècle! Quoi qu'il en soit, il est très-vraisemblable que Dieu a pardonné à Turenne ses maîtresses; mais lui a-t-il pardonné d'avoir exécuté l'ordre do brûler le Palatinat, et de n'avoir pas renoncé au commandement plutôt que de faire le métier d'incendiaire? (K.)

2. On invite les lecteurs attentifs à relire quelques maximes de l'empereur Antonin, et à jeter les yeux, s'ils le peuvent, sur la Censure coidre Bélisaire. Ils trouveront dans cette censure des distinctions sur la foi et sur la loi, sur la grâce prévenante, sur la prédestination absolue; et dans Marc-Antonin, ce que la vertu a de plus sublime et de plus tendre. On sera peut-être un peu surpris que de petits Welches, inconnus aux honnêtes gens, aient condamné dans la rue des Maçons ce que l'ancienne Rome adora, et ce qui doit servir d'exemple au monde entier. Dans quel abîme sommes-nous descendus ! la nouvelle Rome vient de canoniser un capucin nommé Cucufin, dont tout le mérite, à ce que rapporte le procès de la canonisation, est d'avoir eu des coups de pied dans le cul, et d'avoir laissé répandre un œuf frais sur sa barbe. L'ordre des capucins a dépensé quatre cent mille écus

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