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152 LES TROIS EMPEREURS EN SORBONNE. [24]

Qui ne s'appellent point la bonne compagnie,

Qui la sont en effet. Leur esprit et leurs mœurs

Réussirent beaucoup chez les trois empereurs.

A leur petit couvert chaque jour ils soupèrent;

Moins ils cherchaient l'esprit, et plus ils en montrèrent.

Tous charmés l'un de l'autre, ils étaient Lien surpris

D'être sur tous les points toujours du même avis.

Ils ne perdirent point leurs moments en visites ;

Mais on les rencontrait aux arsenaux de Mars,

Chez Clio, chez ftlinerve, aux ateliers des arts.

Ils les encourageaient en prisant leurs mérites.

On conduisit bientôt nos nouveaux curieux Aux chefs-d'œuvre brillants d'Andromaque et d'Armide Qu'ils préféraient aux jeux du Cirque et de l'Élide : Le plaisir de l'esprit passe celui des yeux.

D'un plaisir différent nos trois césars jouirent, Lorsqu'à l'Observatoire un verre industrieux Leur fit envisager la structure des cieux. Des cieux qu'ils habitaient, et dont ils descendirent.

De là, près d'un beau pont que bâtit autrefois Le plus grand des Henris, et peut-être des rois, Marc-Aurèle aperçut ce bronze qu'on révère, Ce prince, ce héros célébré tant de fois, Des Français inconstants le vainqueur et le père : « Le voilà, disait-il, nous le connaissons tous; Il boit au haut des cieux le nectar avec nous. » Un des sages leur dit : a Vous savez son histoire. On adore aujourd'hui sa valeur, sa bonté; Quand il était au monde, il fut persécuté ; Bury même à présent lui conteste sa gloire ^ :

��1. On dit qu'un écrivain, nomme M. de Bury, a fait une Histoire de Henri IV, dans laquelle ce héros est un homme très-médiocre. On ajoute qu'il y a dans Paris une petite secte qui s'élève sourdement contre la gloire de ce grand homme. Ces messieurs sont bien cruels envers sa patrie; qu'ils songent cependant com- bien il est important qu'on regarde comme un être approchant de la Divinité un prince qui exposa toujours sa vie pour sa nation, et qui voulut toujours la sou- lager. Mais il avait des faiblesses. Oui, sans doute; il était homme: mais béni soit celui qui a dit que ses défauts étaient ceux d'un homme aimable, et ses vertus celles d'un grand homme! Plus il fut la victime du fanatisme, plus il doit ôtre presque adoré par quiconque n'est pas convulsionnaire.

Chaque nation, chaque cour, chaque prince a besoin de se choisir un patron pour l'admirer et pour l'imiter. Eh ! quel autre choisira-t-on que celui qui déga- geait ses amis aux dépens de son sang dans le combat de Fontaine-Française; qui

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