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138 ÉLOGE DE LU Vl'OCRISIE. ^n]

Fesse-mathieu, dévot, et grand paillard.

Avant-hier advint que de fortune Je rencontrai ce Guignard sur la brune, Qui chez Fanchon s'allait glisser sans bruit, Comme un hibou qui ne sort que de nuit. Je l'arrêtai, d'un air assez fantasque, Par sa jaquette, et je lui criai : a Masque, Je te connais ; l'argent et les catins Sont à tes yeux les seuls objets divins : Tu n'eus jamais un autre catéchisme. Pourquoi veux-tu, de ton plat rigorisme Nous étalant le dehors imposteur. Tromper le monde, et mentir à ton cœur ; Et, tout pétri d'une douce luxure. Parler en Paul, et vivre en Épicure? »

Le sycophante alors me répondit Qu'il faut tromper pour se mettre en crédit ; Que la franchise est toujours dangereuse, L'art bien reçu, la vertu malheureuse, La fourbe utile, et que la vérité Est un joyau peu connu, très-vanté, D'un fort grand prix, mais qui n'est point d'usage.

Je répliquai : « Ton discours paraît sage. L'hypocrisie a du bon quelquefois ; Pour son profit on a trompé des rois. On trompe aussi le stupide vulgaire Pour le gruger, bien plus que pour lui plaire. Lorsqu'il s'agit d'un trône épiscopal. Ou du chapeau qui coiffe un cardinal. Ou, si l'on veut, de la triple couronne Que quelquefois l'ami Belzébut donne, En pareil cas peut-être il serait bon Qu'on employât quelques tours de fripon. L'objet est beau, le prix en vaut la peine. Mais se gêner pour nous mettre à la gêne, Mais s'imposer le fardeau détesté D'une inutile et triste fausseté. Du monde entier méprisée et maudite, C'est être dupe encor plus qu'hypocrite. Que Peretti * se déguise en chrétien

1. Sixte-Quint. 11 est vrai qu'il fit longtemps semblant d'être humble et doux,

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