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Et le doux Cavcyrac, et Nonotte, et tant d’autres’ :
Ils sont tous parmi nous ce qu’étaient les apôtres
Avant qu’un feu divin fût descendu sur eux :
De leur siècle profane instructeurs généreux ^
Cachant de leur savoir la plus grande partie,
Écrivant sans esprit par pure modestie,
Et par piété même ennuyant les lecteurs.

LE RUSSE.

Je n’ai point encor lu ces solides auteurs :
Il faut que je vous fasse un aveu condamnable.
Je voudrais qu’à l’utile on joignît l’agréable ;
J’aime à voir le bon sens sous le masque des ris;
Et c’est pour m’égayer que je viens à Paris.
Ce peintre ingénieux de la nature humaine,
Qui fit voir en riant la raison sur la scène,
Par ceux qui l’ont suivi serait-il éclipsé ?

LE PARISIEN.

Vous parlez de Molière : oh ! son règne est passé ;
Le siècle est bien plus fin: notre scène épurée
Du vrai beau qu’on cherchait est enfin décorée.
Nous avons les Remparts ^ nous avons Ramponeau ;

1. Le doux Caveyrac est ici par antiphrase; il n’y a rien de si peu doux que son Apologie de la révocation de l’édit de Nantes et de la Saint-Barthelemrj. Ce n’est pas qu’on doive en inférer absolument qu’il eût fait la Saint-Barthélémy, s’il eût été à la place du Balafré. On justifie quelquefois les plus abominables actions qu’on ne voudrait pas avoir faites. On fait un livre pour plaire à un évêque, pour attraper un petit bénéfice, une petite pension du clergé, qu’on n’attrape point; et ensuite on écrirait pour les huguenots avec autant de zèle qu’on a écrit contre eux. Tout cela n’est, au bout du compte, que du papier perdu et de l’honneur perdu ; ce qui est fort peu de chose pour ces gens-là.

Nonotte est un ex-jésuite que notre auteur philosophe a fait connaître par les ignorances dent il l’a convaincu, et par les ridicules dont il l’a accablé avec très-juste raison. (Note de Voltaire, 1771.)

— Il y avait Rabot dans les premières éditions. Nous n’avons rien pu découvrir sur ce Rabot. Il en serait de même de la plupart des autres faiseurs de libelles immortalisés par M. de Voltaire, s’il ne s’était donné la peine d’ajouter à leurs noms des notes instructives. (K.)

— L’ouvrage de Caveyrac, dont Voltaire parle ci-dessus, est intitulé Apologie de Louis XIV et de son conseil sur la, révocation de Vedit de Nantes, 1758. in-S». (B.)

2. Peu d’auteurs se sont servis du mot instructeur, qui semble manquer à notre langue. On voit bien que c’est un Russe qui parle. Ce terme répond à celui de coukaski, qui est très-énergique en slavon. {Note de Voltaire, 1760.)

3. Les comédies qu’on joue sur les boulevards. (/(/., 1760).

4. Ramponeau était un cabaretier de la Courtille, dont la figure comique et le mauvais vin qu’il vendait bon marché lui acquirent pendant quelque temps une