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Car chacun vend sa drogue, et croit sur son pailler
Fixer, comme Lefranc, les yeux du monde entier.
Que dit-on dans Moscou de ces nobles querelles ?

LE RUSSE.

En aucun lieu du monde on ne m’a parlé d’elles.
Le Nord, la Germanie, où j’ai porté mes pas,
Ne savent pas un mot de ces fameux débats.

LE PARISIEN.

Quoi ! du clergé français la gazette prudente,
Cet ouvrage immortel que le pur zèle enfante,
Le Journal du Chrétien, le Journal de Trévoux,

éditions soit in-i", soit in-S" do 1760, il y avait : « On saisit des drogues et du vert-de-gris chez les frères jésuites de la rue Saint-Antoine, le 10 mai 17G0, jour do l’anniversaire de la mort de Henri le Grand. Il y a un grand procès sur cette contrebande entre les frères jésuites et les apothicaires, sur quoi un janséniste a imprimé que les frères jésuites, après avoir empoisonné les âmes, voulaient aussi empoisonner les corps ; mais ce sont de mauvaises plaisanteries. » Dans sa lettre à d’Argental, du G juillet 1760, Voltaire dit qu’au lieu du 10 (mai) il faut lire 14. Il parle des expressions àe jésuites empoisonneurs de corps dans sa lettre à Thieriot, du 30 juin 1700. La note que je viens de rapporter fut supprimée par l’auteur en 1761. Celle qu’on lit aujourd’hui est de 1771.

Le 2 septembre 1760, le lieutenant général de police rendit une sentence qui déclare valable la saisie faite chez les jésuites, de trois boîtes de thcriaque et de trois de confection de hyacinthe. Voyez Journal encyclopédique, 1760, septembre, tome II, page 133; voyez aussi lettre à d’Argental, G juillet 1700, et celle à Lutzelbourg, 2 juillet 1760. (B.)

1. C’est ce qu’on appelle la Gazette ecclésiastique. Ce journal clandestin commença en 1724, et dure encore. C’est un ramas de petits faits concernant des bedeaux de paroisse, des porte-dieu, des thèses do théologie, des refus de sacrements, des billets de confession : c’est surtout dans le temps de ces billets de confession que cette gazette a eu le plus de vogue. L’archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, avait imaginé ces lettres de change tirées à vue sur l’autre monde, pour faire refuser le viatique à tous les mourants qui se seraient confessés à des prêtres jansénistes. Ce comble de l’extravagance et de l’horreur causa beaucoup de troubles, et mit la Gazette ecclésiastique alors dans un grand crédit : elle tomba quand cette sottise fut finie’. Elle était, dit-on, comme les crapauds, qui ne peuvent s’enfler que de venin. {Note de Voltaire, 1771.) — La Gazette ecclésiastique n’a commencé qu’en 1727. (B.)

2. Le Journal chrétien ou du chrétien fut d’abord composé par un récollet nommé Hayer, l’abbé Trublet, l’abbé Dinouart, un nommé Joannet. Ils dédièrent leur besogne à la reine, dans l’espérance d’avoir quelque bénéfice; en quoi ils se trompèrent. Ils mirent d’abord leur Mercure chrétien à 30 sous, puis à 20, puis à 15, puisa 12. Voyant qu’ils ne réussissaient pas, ils s’avisèrent d’accuser d’athéisme tous les écrivains, à tort et à travers. Ils s’adressèrent malheureusement à M. de Saint-Foix, qui leur fit un procès criminel, et les obhgea de se rétracter. Depuis ce temps-là leur journal fut entièrement décrié, et ces pauvres diables furent obligés de l’abandonner.

Pour le Journal de Trévoux, il a subi le sort des jésuites ses auteurs, il est tombé avec eux. (Note de Voltaire, 1771.)