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[s] LA VANITÉ. i-lo

D'où vient que tes gros yeux pétillent de fureur ? Réponds donc, — L'univers doit venger mes injures* ; L'univers me contemple, et les races futures Contre mes ennemis déposeront pour moi.

— L'univers, mon ami, ne pense point à toi. L'avenir encor moins : conduis bien ton ménage. Divertis-toi, bois, dors, sois tranquille, sois sage. De quel nuage épais ton cnlne est offusqué!

— Ah ! j'ai fait un discours, et Ton s'en est moqué - !

pour le corriger, il a mis en lumière ces vers chrétiens, applicables à tous ceux qui ont plus de vanité qu'il ne faut. {Note de Voltaire, 1760.) — Voyez la note 1 de la page 124.

1. Un provincial, dans un mémoire concernant une petite querelle académique, avait imprime ces propres mots : « Il faut que tout l'univers sache que Leurs Ma- jestés se sont occupées de mon discours à l'Académie. « 

Et comme, dans ce discours, dont Leurs Majestés ne s'étaient point occupées, l'auteur avait insulté plusieurs académiciens, il n'est pas étonnant qu'il se soit attiré une petite correction dans la pièce de vers intitulée la Vanité. Car s'il est mal de commencer la guerre, il est très-pardonnable de se défendre. {Note de Voltaire, 1771.)

2. Ce fut le lundi 10 mars 1760 que Lefranc de Pompignan fut reçu à l'Acadé- mie française et prononça, en séance publique, une pièce oratoire qui sera rede- vable à Voltaire de son immortalité. Au moins le récipiendaire ira droit au but, sans circonlocutions ni détours. Ses paroles sei'ont provocantes, agressives; c'est en ennemi ouvert de la philosophie qu'il se pose, et il ne néglige rien pour s'aliéner des écrivains qui, do leur côté, auront bonne mémoire et ne lui feront pas grâce. Ce morceau, trop fameux, n'est d'un bout à l'autre qu'un lieu commun, mais re- levé par une force d'expression, une chaleur, une conviction indignée, de nature à produire une forte impression sur un auditoire qui n'était pas composé des seuls amis des philosophes, et dans lequel plus d'un, effrayé, épouvanté de la fièvre des esprits, se demandait déjà où l'on allait, et quelle serait la fin de toutes ces audaces. Ces déclamations violentes furent donc accueillies avec une faveur marquée, et, disons-le, leur succès fut complet. Dupré de Saint-Maur, qui répondit au nouvel élu en qualité de directeur, lui fit de son mieux les honneurs de l'Académie. Il n'eut garde d'oublier, dans ses compliments, son frère, l'évèque du Puy. Il les com- para, le poëte à Moïse, le prélat à Aaron. « Tout retrace en vous, dit-il, l'image do ces deux frères qui furent consacrés l'un comme juge, l'autre comme pontife, pour opérer des miracles dans Israël. » Fréron cite ce passage sans commentaires. Nous nous trompons; la comparaison lui paraît tout à fait neuve. Nous ne le contredi- rons point; mais on no pouvait rendre de pire service au pauvre Saint-Maur que de reproduire cette burlesque et ridicule flatterie. Quoi qu'il en soit, fier comme Artaban, Lefranc fut admis à remettre son discours au roi, qui lui dit : « Je vous promets de le lire. » Ce n'était pas, à ce qu'on assure, une simple politesse. « Sa Majesté Ta lu en effet, rapporte Fréron dans VAnnée littéraire, et le jour même elle demanda à un seigneur de sa cour comment il trouvait le discours. « Un « peu long, sire, répondit-il. — Il est vrai, reprit le roi, que j'ai employé vingt mi- « nutes à le lire, et qu'il a dû être plus long à l'Académie ; mais c'est un excellent « ouvrage, selon moi, peu fait, au reste, pour être applaudi par les impies et les « esprits forts. » Que pourrais-je ajouter, monsieur, à un suffrage aussi brillant et aussi flatteur ?» (G. D.)

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