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|ic3] LE PAUVRE DIABLE. 105

Ainsi que moi natif de Montauban, Lequel jadis a brodé quelque plirase Sur la Didon qui fut de Métastase ; Je lui contai tous les tours du croquant : (( Mon cher pays, secourez-moi, lui dis-je, « Fréron me vole, et pauvreté m'afflige.

« — De ce bourbier vos pas seront tirés, <( Dit Pompignan ; votre dur cas me touche : (c Tenez, prenez mes Cantiques sacrés; « Sacrés ils sont, car personne n'y touche' ; « Avec le temps un jour vous les vendrez : (c Plus, acceptez mon chef-d'œuvre tragique (c De Zoraïd-; la scène est en Afrique :

��pouvait-il croire que Didon se soumettrait sans peine à cet hymen glorieux? Jarbe d'ailleurs a-t-il envoyé tous ses ambassadeurs ensemble, ou l'un après l'autro ?

Il contient cependant la fureur qui l'anime, et il déguise encore son dépit légi- time. S'il déguise ce dépit légitime, et s'il est si furieux, il ne croit donc pas que Didon l'épousera sans peine. Épouser quelqu'un sans peine, et déguiser son dépit légitime, ne sont pas des expressions bien nobles, bien tragiques, bien élégantes.

Il vient, sous le faux nom de ses ambassadeurs, être en proie à des hauteurs? Comment vient-on sous le faux nom de ses ambassadeurs? on peut venir sous le nom d'un autre, mais on ne vient point sous le nom de plusieurs personnes. De plus, si on vient sous le nom de quelqu'un, on vient à la vérité sous un faux nom, puisqu'on prend un nom qui n'est pas le sien ; mais on ne prend pas le faux nom d'un ambassadeur quand on prend le véritable nom de cet ambassadeur même.

Il veut pénétrer le mystère d'un refus obstiné. Qu'est-ce que le mystère d'un refus si net, et déclaré avec tant de hauteur? Il peut y avoir du mystère dans des délais, dans des réponses équivoques, dans des promesses mal tenues; mais quand on a déclaré avec des hauteurs à tous vos ambassadeurs qu'on ne veut point de vous, il n'y a certainement là aucun mystère.

Que sais-je?... n'écouter qu'un transport amoureux. Que sait-il? il n'écoutera qu'un transport, il sera terrible dans le tête-à-tête.

Le grand malheur de tant d'auteurs est de n'employer presque jamais le mot propre; ils sont contents pourvu qu'ils riment, mais les connaisseurs ne sont pas contents. ( A'^oie de Voltaire, 1771.)

— Voltaire avait, en 17:tO, publié le Fragment d'une lettre sur Didon; il répéta encore ses observations en 177i. (B.)

1. Dans sa lettre à d'Argental, du 27 avril ITGO, Voltaire dit que les Cantiques de Lefranc sont d'autant plus sacrés que persomie n'y touche. On a remarque que Voltaire a, par inadvertance, fait rimer le mot touche avec lui-même. iB.)

2. Zoraïde était une tragédie africaine du même auteur. Les comédiens le prièrent de leur faire une seconde lecture pour y corriger quelque chose ; il leur écrivit cette lettre :

« Je suis fort surpris, messieurs, que vous exigiez une seconde lecture d'une tragédie telle que Zoraïde. Si vous ne vous connaissez pas en mérite, je me con- nais en procédés, et je me souviendrai assez longtemps des vôtres pour ne plus ra'occuper d'un théâtre oîi l'on distingue si peu les personnes et les talents. Je suis, messieurs, autant que vous méritez que je le sois, votre, etc. » (Note de Vol-

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