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Que vos cœurs embarrassés
Ne volent point, empressés,
Vers les biens que la fortune
Trop loin de vous a placés :
Laissez la fleur étrangère
Embellir d’autres climats ;
Cueillez d’une main légère
Celle qui naît sous vos pas.
Tout rang, tout sexe, tout âge,
Reconnaît la même loi ;
Chaque mortel en partage
À son bonheur près de soi.
L’inépuisable nature
Prend soin de la nourriture
Des tigres et des lions,
Sans que sa main abandonne
Le moucheron qui bourdonne
Sur les feuilles des buissons ;
Et tandis que l’aigle altière
S’applaudit de sa carrière
Dans le vaste champ des airs,
La tranquille Philomèle
À sa compagne fidèle
Module ses doux concerts.
Jouissez donc de la vie,
Soit que dans l’adversité
Elle paraisse avilie,
Soit que sa prospérité
Irrite l’œil de l’envie.
Tout est égal, croyez-moi :
On voit souvent plus d’un roi
Que la tristesse environne ;
Les brillants de la couronne
Ne sauvent point de l’ennui :
Ses mousquetaires, ses pages[1],
Jeunes, indiscrets, volages,

  1. Toutes les éditions antérieures à 1833 portent :
    Ses valets de pied, ses pages.
    C’est dans une copie de la main de Longchamp, secrétaire de Voltaire, que j’ai trouvé la version que je donne. (B.)