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LV
JUGEMENTS SUR VOLTAIRE.

Voltaire est le terrain du droit, son apôtre et son martyr. Il a tranché la vieille question posée dès l’origine du monde : Y a-t-il religion sans justice, sans humanité ?

Voltaire, presque octogénaire,... ressuscite..... Une voix l’a tiré, vivant, du tombeau, celle qui l’avait toujours fait vivre : la voix de l’humanité.

Vieil athlète, à toi la couronne !..... te voici encore, vainqueur des vainqueurs. Un siècle durant, par tous les combats, par toute arme et toute doctrine....., tu as poursuivi, sans te détourner jamais, un intérêt, une cause, l’humanité sainte..... et ils t’ont appelé sceptique ! et ils t’ont dit variable !..... Ta foi aura pour sa couronne l’œuvre même de la foi. Les autres ont dit la justice ; toi, tu la feras ; tes paroles sont des actes, des réalités..... Tu as vaincu pour la liberté religieuse, et tout à l’heure pour la liberté civile, avocat des derniers serfs, pour la réforme de nos procédures barbares, de nos lois criminelles, qui elles-mêmes étaient des crimes.

Quand ces deux hommes sont passés (Voltaire et Rousseau), la Révolution est faite (Histoire de la Révolution.)

Jamais personne n’a plus aimé les lettres et ne les a plus cultivées ; jamais personne n’a donné plus d’ascendant à l’esprit ; mais la littérature n’est pas tout pour Voltaire ; il a les goûts et les affections qui honorent les hommes et qui rendent heureux ; il aime la nature, il aime ses amis.

Cette chaleur de sentiment que Voltaire a dans ses affections privées, cette généreuse sincérité de cœur qu’il a avec ses amis, il l’a aussi dans ses opinions politiques et philosophiques, et dans le chef de parti en lui je retrouve l’homme... Voltaire a bien fait aussi quelques sacrifices à son parti ; il a souvent loué des sots qui prenaient la cocarde de la philosophie, et cela devait coûter à son goût et à sa malice naturelle. Mais il n’a jamais sacrifié les bonnes et grandes opinions, même à la faveur des salons et du public. Est-ce que Voltaire n’aimait pas les hommes et le peuple ? Il les aimait beaucoup et très-sincèrement, sans affectation, sans charlatanisme ; mais il les jugeait. Il les voulait éclairés et heureux ; il détestait leur ignorance et leur grossièreté.

... En lui le poëte et l’écrivain étaient irritables ; le philosophe était patient et presque modeste, plus soucieux du succès de la cause que du succès de son nom....

Ce qui me frappe dans la politique de Voltaire...., c’est sa sagacité. Cette sagacité vient d’une sorte d’instinct juste et vrai qui lui révèle la marche générale des choses humaines dans son siècle.... Il ne se moque pas de l’avenir ; il espère le bien ; il croit à la civilisation. (Préface des Lettres inédites.)