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HISTOIRE POSTHUME

Cette cérémonie a été une véritable fête nationale. Cet hommage rendu aux talents d’un grand homme, à l’auteur de la Henriade et de Brutus, a réuni tous les suffrages. On a cependant remarqué quelques émissaires répandus dans la foule, et qui critiquaient avec amertume le luxe de ce cortége ; mais les raisonnements des gens sensés les ont bientôt réduits au silence. Partout on voyait les bustes de Voltaire couronnés ; on lisait les maximes les plus connues de ses immortels ouvrages. Elles étaient dans la bouche de tout le monde.

Dans toute la longueur de la route que ce superbe cortége a traversée, une foule innombrable de citoyens garnissait les rues, les fenêtres, les toits des maisons. Partout le plus grand ordre ; aucun accident n’est venu troubler cette fête. Les applaudissements les plus nombreux accueillaient les divers corps qui composaient la marche. On ne peut trop louer le zèle et l’intelligence de ceux qui ont ordonné cette fête. On doit particulièrement des éloges à MM. David et Cellerier. Le premier a fourni les dessins du char, qui est un modèle du meilleur goût. Le second s’est distingué par son activité à suivre les travaux de cette fête, et par le talent dont il a fait preuve dans l’ingénieuse décoration de l’emplacement de la Bastille.

Le temps, qui avait été très-orageux toute la matinée, a été assez beau pendant tout le temps que le cortége était en marche, et la pluie n’a commencé qu’au moment où il arrivait à Sainte-Geneviève. Cette fête a attiré à Paris un grand nombre d’étrangers.


XXXIII.


EXTRAIT
D’UNE LETTRE DE M. BOUILLEROT[1]
curé de Romilly-sur-Seine


À M. PATRIS-DEBREUIL.


L’enlèvement du corps de Voltaire est une vraie fable. J’ai été témoin de son inhumation, de son exhumation, de sa déposition dans l’église de Romilly, et enfin de sa translation pour Paris ; mais je n’ai aucune connaissance du procès-verbal qui fut dressé alors, et qui, je pense, doit se trouver dans les archives de la municipalité de Paris, qui députa M. Charron, un de ses membres, pour présider à ce transport. Il se proposait de faire un recueil de toutes les réceptions qu’on leur fit dans les divers endroits où ils passèrent ; recueil qui eût pu être intéressant, mais qui n’eut pas lieu.

  1. Juillet ou août 1791. — M. Patris-Debreuil, à qui est adressée la lettre, a donné cet extrait page 463 du tome II des Œuvres inédites de Grosley, qu’il a publiées en 1813. Il ne donne pas la date de la lettre.