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HISTOIRE POSTHUME

députation nombreuse de tous les bataillons de la garde nationale, groupe armé de forts de la Halle[1]. Les portraits en relief de Voltaire, J.-J. Rousseau, Mirabeau et Désilles, environnant le buste de Mirabeau, donné par M. Palloy à la commune d’Argenteuil ; ces bustes étaient entourés des camarades de d’Assas, et des citoyens de Varennes et de Nancy. Les ouvriers employés à la démolition de la Bastille, ayant à leur tête M. Palloy, portaient des chaînes, des boulets et des cuirasses, trouvés lors de la prise de cette forteresse. Sur un brancard était le Procès-verbal des électeurs de 1789, et l'Insurrection parisienne, par M. Dusaulx[2]. Les citoyens du faubourg Saint-Antoine, portant le drapeau de la Bastille avec un plan de cette forteresse représentée en relief, et ayant au milieu d’eux une citoyenne en habit d’amazone, uniforme de la garde nationale, laquelle a assisté au siége de la Bastille et a concouru à sa prise ; un groupe de citoyens armés de piques, dont une était surmontée du bonnet de la liberté et de cette devise : De ce fer naquit la liberté. Le quatre-vingt-troisième modèle de la Bastille, destiné pour le département de Paris, porté par les anciens gardes-françaises, revêtus de l’habit de ce régiment ; la société des Jacobins (on a paru étonné que cette société n’ait pas été réunie avec les autres) ; les électeurs de 1789 et 1790, les cent-suisses et les gardes-suisses ; députation des théâtres, précédant la statue de Voltaire, entourée de pyramides chargées de médaillons portant les titres de ses principaux ouvrages. La statue d’or, couronnée de lauriers, était portée par des hommes habillés à l’antique. Les académies et les gens de lettres environnaient un coffre d’or renfermant les 70 volumes de ses œuvres, donnés par M. Beaumarchais. Députation des sections, jeunes artistes, gardes nationaux et officiers municipaux de divers lieux du département de Paris, corps nombreux de musique vocale et instrumentale. Venait ensuite le char portant le sarcophage dans lequel était renfermé le cercueil.

Le haut était surmonté d’un lit funèbre, sur lequel on voyait le philosophe étendu, et la Renommée lui posant une couronne sur la tête. Le sarcophage était orné de ces inscriptions :

Il vengea Calas, La Barre, Sirven, et Montbailly.
Poëte, philosophe, historien, il a fait prendre un grand essor
à l’esprit humain, et nous a préparés à devenir libres.

Le char était traîné par douze chevaux gris-blanc[3], attelés sur quatre de front, et conduits par des hommes vêtus à la manière antique. Immédiatement après le char venaient la députation de l’Assemblée nationale, le département, la municipalité, la cour de cassation, les juges des tribunaux de Paris, les juges de paix, le bataillon des vétérans : un corps de cavalerie fermait la marche.

  1. Celui-ci avait inscrit sur sa bannière ces vers que le Moniteur omet de mentionner :

    Grands dieux, exterminez de la terre où nous sommes
    Quiconque avec plaisir répand le sang des hommes.

  2. De l’Insurrection parisienne, et de la prise de la Bastille ; discours historique, prononcé par extrait dans l’Assemblée nationale, 1790, in-8o. Tel est le titre d’un ouvrage de J. Dusaulx, traducteur de Juvénal.
  3. L’objet de la pompe funèbre de Voltaire, pour laquelle la reine Marie-Antoinette fournit deux chevaux blancs, dit Grégoire, était moins d’honorer la mémoire du poëte que d’afficher le mépris pour la religion. » Page l du Discours préliminaire de l’Histoire des sectes religieuses, 1810, deux volumes in-8o. L’ouvrage, qui avait été saisi en 1810, fut rendu au mois de juin 1814, mais sous la condition de faire des changements. On réimprima les faux titres et titres, et l’on fit onze cartons. L’un de ces cartons porte précisément sur le passage que je cite. Les mots que j’ai imprimés en caractères italiques furent supprimés. (B.)