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DE VOLTAIRE.

Dans une lettre qu’il m’écrivait de Cirey, le 29 octobre 1738, en réponse au remerciement que je lui avais fait du livre des Éléments de Newton, il me disait[1], en parlant de la philosophie de Newton : « Cette philosophie a plus d’un droit sur vous ; elle est la seule vraie, et monsieur votre frère de Pouilly est le premier en France qui l’ait connue ; je n’ai que le mérite d’avoir osé effleurer le premier en public ce qu’il eût approfondi s’il l’eût voulu. »

M. de Saulx, dans l’éloge historique qu’il a fait de M. de Pouilly, que l’on trouve à la tête de la dernière édition de la Théorie des sentiments agréables[2], a aussi remarqué que c’était lui qui, le premier en France, avait osé sonder les profondeurs dont on s’était contenté de demeurer étonné ; c’est ainsi qu’il s’exprime en parlant du célèbre ouvrage de M. Newton.

J’avais vu aussi plusieurs fois M. de Voltaire chez milord Bolingbroke, qui l’aimait ; je me souviens qu’un jour on parlait chez ce seigneur de Pope et de Voltaire ; il les connaissait tous deux également ; on lui demanda auquel des deux il donnait la préférence : il nous répondit que c’étaient les deux plus beaux génies de France et d’Angleterre ; mais qu’il y avait bien plus de philosophie dans la tête du poëte anglais que chez Voltaire.

Dans cette même lettre que M. de Voltaire m’avait écrite de Cirey, dont je viens de parler, il me faisait part de l’ouvrage qu’il avait entrepris, et auquel il donna le titre de Siècle de Louis XIV ; il m’en parlait ainsi[3] :

« Il y a quelques années, monsieur, etc. »

En répondant à cette lettre, je fis part à M. de Voltaire de quelques observations dont il ne fut pas mécontent, puisque, dans la première lettre qu’il m’écrivit, à l’occasion de sa querelle avec M. de Saint-Hyacinthe, que l’on a rapportée plus haut, « il me remerciait de mes bons documents », et qu’il ajoutait : « Il faudrait avoir l’honneur de vivre avec vous, pour mettre fin à la grande entreprise à laquelle je travaille. » C’était un compliment dont je conclus seulement qu’il n’avait pas désapprouvé les avis que je lui avais donnés.

Sa dispute avec M. de Saint-Hyacinthe ne changea point du tout sa façon de penser à mon égard, et j’ai toujours eu sujet de me louer de ses procédés. Je rapporterai quelques-unes de ses lettres, qui démontrent qu’il ne m’a jamais su mauvais gré de l’amitié que j’avais conservée avec M. de Saint-Hyacinthe jusqu’à sa mort.

Je lui envoyai la vie que j’avais faite d’Érasme ; ce présent m’attira la réponse la plus honnête ; la voici[4] :

« Aux Délices, près de Genève, 10 mai 1757.

« Je ne puis trop vous remercier, monsieur, etc. »

  1. Voyez tome XXXV, page 25.
  2. Cinquième édition, 1774, in-8o.
  3. Tome XXXV, page 26.
  4. Tome XXXIX, page 206.