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HISTOIRE POSTHUME

Sa première lettre est datée de Geneken, près Breda, où il était allé s’établir ; il s’y exprime ainsi :

« L’imposture de Voltaire est digne de lui. Il a fait mettre dans un Mercure[1] que je n’étais pas l’auteur de Mathanasius ; on m’a écrit aussi d’Amsterdam que cela se trouvait aussi dans un sixième volume, qui vient de paraître, de ses ouvrages. Je ne crois pas que je me donne la peine de faire voir son imposture ; mais si je la prends, ce sera d’une manière si vraie sur tout ce qui le regarde, et en même temps si fâcheuse pour lui, que je l’obligerais de s’aller pendre s’il avait la moindre teinture d’honneur. »

Cette lettre me fut écrite avant celle à M. de Voltaire, dont j’ai rendu compte ; il m’en adressa ensuite une autre, datée aussi de Geneken, du 11 octobre 1745, qui est du même style :

Comme on m’a fait sentir, me mandait-il, que de ne pas répondre à cette accusation c’était m’avouer coupable de l’impudence de me reconnaître pour l’auteur d’un livre que je n’avais pas fait, et mériter d’être traité, ainsi qu’il le fait au sujet de la Déification d’Aristarchus Masso, pour être un de ces mauvais Français qui vont dans les pays étrangers déshonorer leur nation et les belles-lettres, je lui ai répondu par une lettre qui se trouve imprimée dans le XLe volume de la Bibliothèque française ; et une personne ici de ma connaissance a reçu une lettre de Bruxelles où on lui marque que les accusations de Voltaire ayant excité la curiosité de voir, dans la Déification d’Aristarchus Masso, ce qui pouvait l’avoir mis de si mauvaise humeur, on en avait deviné la raison, indiquée déjà par la Voltairomanie ; et que depuis ce temps on appelait les cannes fortes des Voltaires, pour les distinguer des cannes de roseau ; et qu’au lieu de dire : Donner des coups de canne ou des coups de bâton, on disait voltairiser. On envoyait même à cette personne une épigramme qui commençait :

Pour une épigramme indiscrète,
On voltairisait un poëte.
À l’aide, au secours, Apollon !

Voilà ce que sa calomnie lui aura produit. Ce qu’il y a de plaisant, c’est que la réponse que je lui ai faite se trouve imprimée immédiatement après l’extrait de son sixième volume, à côté, pour ainsi dire, de l’extrait qu’on y trouve des lettres que le roi de Prusse lui a écrites. »

Ce n’est pas sans répugnance que je rapporte tous ces indécents détails ; mais l’exactitude que je vous ai promise m’y oblige.

Dans le temps de cette malheureuse et scandaleuse dispute, M. de Saint-Hyacinthe travaillait à l’ouvrage qui a pour titre : Recherches philosophiques sur la nécessité de s’assurer par soi-même de la vérité, sur la certitude des connaissances et sur la nature des êtres[2].

  1. Les Conseils à un Journaliste avaient été imprimés dans le Mercure de 1744, premier cahier de novembre.
  2. Imprimé en 1743, in-8o.