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HISTOIRE POSTHUME

espéré que M. de Saint-Hyacinthe désavouerait, comme n’étant pas de lui, ce qui en avait été cité, et qu’en conséquence il pourrait attaquer l’abbé Desfontaines comme faussaire.

Depuis ce temps, M. de Voltaire fit profession d’une haine implacable contre M. de Saint-Hyacinthe ; il le décria autant qu’il put, et il chercha toutes les occasions de lui nuire.

Il l’attaqua par l’endroit le plus sensible à un homme de lettres ; il se proposa de lui ôter la gloire d’avoir fait le Chef-d’œuvre d’un Inconnu. Voici ce qu’il inséra dans un écrit qui a pour titre : Conseils donnés à un Journaliste[1] :

« Il y a surtout des anecdotes littéraires sur lesquelles il est toujours bon d’instruire le public, afin de rendre à chacun ce qui lui appartient. Apprenez, par exemple, au public que le Chef-d’œuvre d’un Inconnu, de Mathanasius, est de feu M. de Salengre, d’un illustre mathématicien, consommé dans toute sorte de littérature, et qui joint l’esprit à l’érudition, enfin de tous ceux qui travaillaient au Journal littéraire, et que M. de Saint-Hyacinthe fournit la chanson avec beaucoup de remarques ; mais si on ajoute à cette plaisanterie une infâme brochure faite par un de ces mauvais Français qui vont dans les pays étrangers déshonorer les belles-lettres et leur patrie, faites sentir l’horreur et le ridicule de cet assemblage monstrueux. » (Nouveaux Mélanges historiques, première partie, page 359.)

M. de Voltaire avait certainement très-grand tort de nier que M. de Saint-Hyacinthe fût l’auteur du Chef-d’œuvre d’un Inconnu. J’ai vécu un an en Hollande dans une très-grande liaison avec MM. Van-Effen, Salengre et s’Gravesande, cet illustre mathématicien dont il est fait mention dans les Conseils à un Journaliste ; ils m’ont tous assuré que M. de Saint-Hyacinthe était l’auteur du Chef-d’œuvre. Il est bien vrai que, comme il était intime ami de ces messieurs, il leur lisait son ouvrage ; et il est très-possible qu’ils lui aient fourni quelques citations pour l’embellir, car ils avaient tous trois beaucoup de littérature ; mais ils n’ont jamais prétendu partager avec M. de Saint-Hyacinthe l’honneur que ce livre avait fait à son auteur ; et effectivement quelques passages qu’ils auront pu lui indiquer ne les mettaient point en droit de s’approprier cet ouvrage : aussi ne l’ont-ils jamais fait ; c’est de quoi je puis rendre un témoignage certain.

M. de Saint-Hyacinthe fut très-sensible au reproche qui lui était fait de se donner pour auteur d’un ouvrage qui n’était pas de lui ; il fut aussi très-offensé de la manière injurieuse dont M. de Voltaire avait parlé de l’Apothéose ; car c’est cet écrit qu’il désigne dans ses Conseils à un Journaliste comme un libelle infâme, fait par un de ces mauvais Français qui déshonorent les belles-lettres et leur patrie[2]. Il répondit à M. de Voltaire par une lettre que la plus violente colère semble avoir dictée ; elle fut d’abord imprimée dans le XLe volume (seconde partie) de la Bibliothèque française, et ensuite dans le Voltariana.

  1. Voyez tome XXII, page 257.
  2. Ibid., page 258.