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DE VOLTAIRE.

Cette lettre fut bientôt suivie d’une autre, qui prouve que M. de Voltaire était dans la plus grande agitation ; la voici :

« À Cirey, le 4 février.

« Si vous daignez, monsieur, etc.[1]. »

Je fis réponse à M. de Voltaire que M. de Saint-Hyacinthe n’avait aucune liaison avec l’abbé Desfontaines ; qu’il avait pour lui le plus grand mépris, et que certainement il n’avait aucune part à la Voltairomanie.

M. de Voltaire, non content de ces deux lettres qu’il venait de m’écrire, pria une de ses parentes, qui revenait de Cirey à Paris, de me venir voir, afin de m’engager à tirer une satisfaction de M. de Saint-Hyacinthe, et à le déterminer à désavouer l’abbé Desfontaines. Cette dame[2] vint chez moi, et me dit, avec une grande émotion, que si l’on n’apaisait pas M. de Voltaire, il y aurait du sang répandu ; qu’il était dans la plus grande colère, et que plusieurs de ses parents, qui étaient dans le service, partageraient sa querelle. Je répondis à cette dame que j’étais prêt à aller avec elle chez M. de Saint-Hyacinthe, et qu’elle serait contente de la manière dont je lui parlerais ; mais je lui conseillai en même temps de ne point se servir de menaces, parce que nous avions affaire à un homme sur qui elles ne pouvaient rien ; qu’on ne pourrait rien obtenir de lui que par des raisons tirées de l’honnêteté et du devoir.

Nous allâmes sur-le-champ trouver M. de Saint-Hyacinthe : je lui représentai qu’ayant insulté M. de Voltaire dans son Apothéose du docteur Masso, et ayant donné des armes contre lui à un aussi méchant homme et aussi méprisable que l’abbé Desfontaines, il était juste de faire une réparation à M. de Voltaire ; qu’autrement celui-ci aurait sujet de croire qu’il était complice de l’abbé Desfontaines.

La parente de M. de Voltaire ajouta qu’elle souhaiterait que M. de Saint-Hyacinthe déclarât que ce qui avait été cité comme étant de lui lui était faussement attribué, et avait été supposé par l’abbé Desfontaines.

Cette dernière proposition fut entièrement rejetée. M. de Saint-Hyacinthe dit que ce qu’on voulait exiger de lui était un mensonge dont il serait aisé de le convaincre ; que tous ses amis savaient qu’il avait fait l’Apothéose, qu’il l’avait toujours avouée : il nous conta à ce sujet les raisons qui l’avaient déterminé à se venger de M. de Voltaire.

Enfin, après beaucoup de digressions, j’obtins qu’il écrirait une lettre à M. de Voltaire, dans laquelle il déclarerait qu’il n’avait aucune part au libelle de l’abbé Desfontaines ; qu’il n’avait aucune liaison avec lui ; qu’il avait pour lui le plus grand mépris, et qu’il était très-fâché de ce qu’il avait inséré dans son misérable écrit cet extrait de l’Apothéose, qu’il avouait avoir fait autrefois dans un moment de colère. Cette lettre fut effectivement écrite et envoyée à M. de Voltaire, qui n’en fut nullement content, parce qu’il avait espéré que M. de Saint-Hyacinthe désavouerait, comme n’étant pas de lui, ce qui en avait été cité, et qu’en conséquence il pourrait attaquer l’abbé Desfontaines comme faussaire.

  1. Voyez tome III de la Correspondance, page 155.
  2. Mme  de Champbonin.