Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome1.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
439
DE VOLTAIRE.

Disons, déclarons, attestons, et certifions à tous à qui il appartiendra, et particulièrement à notre révérendissime abbé, ainsi que nous en sommes par lui requis, que messire Alexandre-Jean Mignot, conseiller du roi en ses conseils, etc., abbé commendataire de notre dite abbaye de Scellières, est arrivé en icelle abbaye le dimanche 31 mai dernier, à environ sept heures du soir, à l’effet d’y occuper un appartement qu’il tient de nous à loyer, au défaut de son abbatiale, laquelle est inhabitable, et nous a dit, après les premiers compliments,

Que messire Arouet de Voltaire, son oncle, décédé à Paris, devant, conformément à sa dernière volonté, être inhumé à Ferney, lieu par lui choisi pour sa sépulture, son corps, non enseveli, que l’on devait transporter audit Ferney, ne serait pas, quoique embaumé, en état de soutenir un si long voyage ; pourquoi mondit sieur Mignot et la famille dudit défunt sieur de Voltaire désireraient que nousdits prieur et religieux voulussions bien en recevoir le corps en dépôt dans le caveau de l’église de notre monastère, lequel corps, non enseveli, comme dit est, est en effet arrivé en la cour de ce monastère vers l’heure de midi, le premier du présent mois de juin, dans son carrosse, lequel était suivi d’un autre carrosse contenant MM. de Dompierre, chevalier, seigneur d’Hornoy, conseiller au parlement de Paris, petit-neveu du défunt ; Marchant de Varennes, ancien maître d’hôtel ordinaire du roi ; Marchant de La Houlière, brigadier des armées du roi, cousins issus de germain dudit défunt ;

Que, à l’instant, nosdits sieurs Mignot et de Dompierre d’Hornoy ont exhibé et lu : 1° une lettre de M. Amelot, ministre de Paris, à eux adressée, laquelle les a autorisés à transporter le corps de leur oncle et grand-oncle à Ferney ou ailleurs ;

2° La copie collationnée, certifiée véritable et conforme à son original, et signée du sieur de Tersac, curé de Saint-Sulpice de Paris, le 29 mai dernier, d’un acte signé dudit sieur de Voltaire, contenant la profession de foi catholique, apostolique et romaine, et déclaration qu’il a été entendu en confession par M. l’abbé Gaultier, prêtre approuvé sur ladite paroisse ; ledit acte fait et signé, comme dit est, le 2 mars aussi dernier ;

3° Un certificat délivré et signé par ledit sieur Gaultier, prêtre, en date du 30 dudit mois de mai dernier, portant que ledit sieur Gaultier a été requis par ledit sieur de Voltaire de l’entendre de nouveau en confession, ce qu’il n’a pu faire, l’en ayant trouvé hors d’état ;

4° Le consentement par écrit donné et signé le 30 mai dernier par ledit sieur curé de Saint-Sulpice, par lequel il se départ de tous ses droits curiaux, et permet que le corps de M. de Voltaire soit emporté sans cérémonie ;

Que, en effet, le même jour 1er juin vers quatre heures de relevée, le corps dudit sieur de Voltaire, enfermé dans un cercueil ordinaire, a été présenté à la porte principale d’entrée de l’église de notre susdit monastère, à nousdits prieur et religieux par mondit sieur abbé Mignot, en soutane, rochet et camail, accompagné de nosdits sieurs Marchant de Varennes et de La Houlière, et de Dompierre d’Hornoy, en habit de deuil ; de maître Marc-Étienne Beaudouin, prêtre curé de la paroisse de Saint-Nicolas de Pont-sur-Seine ; lequel corps, déposé dans le chœur de notre dite église, étant environné de cierges et de flambeaux, nous dits prieur et religieux avons chanté les vêpres des morts, et y est resté gardé pendant toute la nuit par ledit dom Meunier, religieux, l’un de nous, et par les nommés Millet et Payen, l’un fermier, et l’autre meunier de notre dite abbaye ;