tifier ma conduite aux yeux de Votre Grandeur : quels que soient les privilèges d’un ordre, ses membres doivent toujours se faire gloire de respecter l’épiscopat, et se font honneur de soumettre leurs démarches, ainsi que leurs mœurs, à l’examen de nosseigneurs les évêques. Comment pouvais-je supposer qu’on refusait ou qu’on pouvait refuser à M. de Voltaire la sépulture qui m’était demandée par son neveu, notre abbé commendataire depuis vingt-trois ans, magistrat depuis trente ans, ecclésiastique qui a beaucoup vécu dans cette abbaye, et qui jouit d’une grande considération dans notre ordre ; par un conseiller au parlement de Paris, petit-neveu du défunt ; par des officiers d’un grade supérieur, tous parents, et tous gens respectables ? Sous quel prétexte aurais-je pu croire que monsieur le curé de Saint-Sulpice eût refusé la sépulture à M. de Voltaire, tandis que ce pasteur a légalisé de sa propre main une profession de foi faite par le défunt, il n’y a que deux mois ; tandis qu’il a écrit et signé de sa propre main un consentement que son corps fût transporté sans cérémonie ? Je ne sais ce qu’on impute à M. de Voltaire ; je connais plus ses ouvrages par sa réputation qu’autrement ; je ne les ai pas lu tous ; j’ai ouï dire à monsieur son neveu, notre abbé, qu’on lui en imputait de très-répréhensibles, qu’il avait toujours désavoués ; mais je sais, d’après les canons, qu’on ne refuse la sépulture qu’aux excommuniés, lata sententia, et je crois être sûr que M. de Voltaire n’est pas dans ce cas. Je crois avoir fait mon devoir en l’inhumant, sur la réquisition d’une famille respectable, et je ne puis m’en repentir. J’espère, monseigneur, que cette action n’aura pas pour moi des suites fâcheuses ; la plus fâcheuse sans doute serait de perdre votre estime ; mais, d’après l’explication que j’ai l’honneur de faire à Votre Grandeur, elle est trop juste pour me la refuser.
Je suis, avec un profond respect,
VIII.
TESTAMENT DÉPOSÉ DE M. DE VOLTAIRE.
Aujourd’hui sont comparus :
Dame Marie-Louise Mignot, ve de messire Charles-Nicolas Denis, capitaine au régiment de Champagne, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, commissaire ordonnateur des guerres, et depuis conseiller correcteur en la Chambre des comptes de Paris, logée à Paris, maison de M. le marquis de Villette, quai des Théatins, paroisse Saint-Sulpice ;
Et messire Alexandre-Jean Mignot, conseiller du roi en son grand conseil, demeurant à Paris, rue des Blancs-Manteaux, paroisse Saint-Jean en Grève ;
Lesquels, au moyen du décès de messire François-Marie Arouet de Voltaire, leur oncle, dont ils sont héritiers présomptifs, et dans la succession