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DE VOLTAIRE.

mourra content. » Ce sont, pour ainsi dire, les derniers soupirs de cet homme célèbre[1].

VI.

LETTRE DE L’ÉVÊQUE DE TROYES[2]
AU PRIEUR DE SCELLIÈRES[3].

Je viens d’apprendre, monsieur, que la famille de M. de Voltaire, qui est mort depuis quelques jours, s’était décidée à faire transporter son corps à votre abbaye, pour y être enterré, et cela parce que le curé de Saint-Sulpice leur avait déclaré qu’il ne voulait pas l’enterrer en terre sainte.

Je désire fort que vous n’ayez pas encore procédé à cet enterrement, ce qui pourrait avoir des suites fâcheuses pour vous ; et si l’inhumation n’est pas faite, comme je l’espère, vous n’avez qu’à déclarer que vous n’y pouvez procéder sans avoir des ordres exprès de ma part.

J’ai l’honneur d’être bien sincèrement, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Évêque de Troyes.
2 juin 1778.

VII.

RÉPONSE DU PRIEUR.

À Scellières, 3 juin.

Je reçois dans l’instant, monseigneur, à trois heures après midi, avec la plus grande surprise, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, en date du jour d’hier 2 juin : il y a maintenant plus de vingt-quatre heures que l’inhumation du corps de M. de Voltaire est faite dans notre église, en présence d’un peuple nombreux. Permettez-moi, monseigneur, de vous faire le récit de cet événement, avant que j’ose vous présenter mes réflexions.

Dimanche au soir 31 mai, M. l’abbé Mignot, conseiller au grand conseil, notre abbé commendataire, qui tient à loyer un appartement dans l’intérieur de notre monastère, parce que son abbatiale n’est pas habitable, arriva en

  1. M. le marquis de Villevieille, l’ami de M. de Voltaire depuis plusieurs années, et qui ne l’a presque point quitté pendant tout son séjour à Paris, nous a promis de nous communiquer un journal détaillé de toutes les circonstances de sa maladie et de sa mort. Nous attendons l’accomplissement de cette promesse pour donner aux mémoires que nous avons recueillis sur cet objet toute l’exactitude et toute la précision que mérite le récit d’un événement si intéressant. (Meister.) — M. de Villevieille est mort en mai 1825, sans avoir tenu sa promesse.
  2. Claude-Mathias-Joseph de Barral, né à Grenoble le 6 septembre 1716, sacré évêque le 29 mars 1761, mort après 1789.
  3. Gaspard-Edme-Germain Potherat de Corbierre.