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JUGEMENTS SUR VOLTAIRE.

Voltaire n’a flotté parmi tant d’erreurs, tant d’inégalités de style et de jugement, que parce qu’il a manqué du grand contre-poids de la religion.

L’on sera forcé de conclure... que, Voltaire ayant soutenu éternellement le pour et le contre, et varié sans cesse dans ses sentiments, son opinion en morale, en philosophie et en religion, doit être comptée pour peu de chose. (Génie du Christianisme.)

Génie, imagination, profondeur, étendue, raison, goût, philosophie, élévation, originalité, naturel, esprit et bel esprit et bon esprit, variété, justesse, finesse, chaleur, charme, grâce, force, instruction, vivacité, correction, clarté, élégance, éloquence, gaieté, moquerie, pathétique et vérité : voilà Voltaire. C’est le plus grand homme en littérature de tous les temps ; c’est la création la plus étonnante de l’Auteur de la nature.

LAVATER.

Nous voyons ici un personnage plus grand, plus énergique que nous. Nous sentons notre faiblesse en sa présence, mais sans qu’il nous agrandisse ; au lieu que chaque être qui est à la fois grand et bon ne réveille pas seulement en nous le sentiment de notre faiblesse, mais par un charme secret nous élève au-dessus de nous-mêmes et nous communique quelque chose de sa grandeur. (Sur Voltaire.)

On ne trouve dans Voltaire ni un véritable système d’incrédulité, ni en général des principes solides ou des opinions philosophiques arrêtées, ni une manière particulière d’émettre le doute philosophique. De même que les sophistes de l’antiquité faisaient briller leur esprit, en exposant et en soutenant tour à tour et avec la plus belle éloquence les opinions les plus opposées, de même aussi Voltaire écrit d’abord un livre sur la Providence, puis un autre dans lequel il la combat. Ici, du moins, il est assez sincère pour que l’on puisse facilement reconnaître auquel des deux ouvrages il a travaillé avec le plus de plaisir. En général, il s’abandonnait, suivant son caprice et suivant les circonstances, à l’esprit de plaisanterie que lui inspirait sa répugnance pour le christianisme, et en partie aussi pour toute espèce de religion. Sous ce rapport, son esprit agit comme un moyen désorganisateur pour l’anéantissement de toute philosophie grave, morale et religieuse. Cependant je pense que Voltaire a été encore plus dangereux par les idées qu’il a accréditées sur l’histoire que par ses railleries amères contre la religion....