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DOCUMENTS BIOGRAPHIQUES.

J’étais tout honteux de la sécheresse de mon rôle. J’ai voulu aussi ajouter un compliment ; c’étaient des vers : je vous l’avouerai, j’ai été bien plus embarrassé de les réciter que de les faire :

À la fête du souverain,
Le gala de la cour pour lui seul a des charmes ;
Et souvent un mot de sa main,
Pour payer ses plaisirs, a fait couler des larmes.

Vous avez un autre destin :
Chaque mot de la vôtre a le droit de nous plaire ;
Et quand on célèbre Voltaire,
C’est la fête du genre humain.

Je vous dirai qu’il a donné un superbe repas et qu’il a fait asseoir à sa table deux cents de ses vassaux : puis les illuminations, les chansons, les danses. Le matin, c’était l’expression d’un sentiment doux, filial ; le soir, c’était l’enivrement de la joie. Vous auriez vu celui qui veut être toujours aveugle et malade, oublier son grand âge, et dans un élan de gaieté qui tenait encore à ton vieux temps, jeter son chapeau en l’air, parmi les acclamations et les transports, les vœux que l’on faisait pour ses jours si chéris.

C’est par l’admiration, l’enthousiasme, que M. de Voltaire est connu dans le monde ; c’est par l’amour, le respect, qu’il est connu chez lui. Vous savez qu’il est très-riche ; mais certainement il n’a jamais eu le tourment de la possession. Il semble qu’il craigne plus les importuns que les voleurs. J’ai remarqué que sa chambre ferme à clef du côté du salon, et qu’elle n’a jamais eu de serrure du côté de ses gens : ce qui prouve évidemment qu’il n’est ni défiant, ni avare.

M. de Voltaire est bon voisin. J’ai vu un écrit fait double entre lui et son curé, une promesse réciproque de n’avoir jamais de procès l’un contre l’autre ; et M. de Voltaire, en signant, a ajouté de sa main : Notre parole vaut mieux que tous les actes de notaire.

Il a beaucoup fait bâtir. Chaque jour voit s’élever de nouveaux édifices dans sa petite ville. Il justifie pleinement ses vers à la duchesse de Choiseul.

Madame, un héros destructeur
N’est, à mes yeux, qu’un grand coupable ;
J’aime bien mieux un fondateur :
L’un est un dieu, l’autre est un diable.

Il a de belles et vastes forêts ; mais il souffrirait d’y voir porter la cognée. On dirait que sa sensibilité s’étend jusqu’aux végétaux. Vous connaissez les deux immenses sapins qui bordent son potager, et qu’il a nommés Castor et Pollux, parce qu’ils sont jumeaux. L’un, frappé de la foudre, accablé par les ans, laissait tomber jusqu’à terre ses rameaux affaiblis. M. de Voltaire les a fait relever par un fil d’archal, et se complaît à soutenir sa vieillesse.

Je n’ajouterai plus qu’un mot. La fête dont je viens de vous parler a