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DOCUMENTS BIOGRAPHIQUES.

contre les saintes Écritures, et les hommes les plus respectables dont il y est fait mention.

Certain quidam bègue, ayant trouvé moyen de s’introduire à Ferney, ce personnage, qui n’était recommandable que par les louanges qu’il se prodiguait, étant sorti de l’appartement, Voltaire dit qu’il le soupçonnait d’être un aventurier, un imposteur ;… Mme Denis lui répondit que les imposteurs et les aventuriers n’avaient jamais cette incommodité… À quoi il répliqua : « Eh ! Moïse ne bégayait-il pas ? »

Vous avez sûrement entendu parler de l’animosité subsistant entre Voltaire et Fréron, l’auteur de l’Année littéraire. Un jour que le premier se promenait dans son jardin avec un de ses amis de Genève, un crapaud vint à passer devant eux ; celui-ci dit, pour plaire à Voltaire, en montrant l’animal : « Voilà Fréron. — Quel mal, répondit-il, cette pauvre bête a-t-elle pu vous faire pour s’attirer une pareille injure ? »

Il comparait la nation anglaise à un tonneau de bière forte dont le dessus est de l’écume, le fond de la lie, et le milieu excellent.

Un ami de Voltaire lui ayant recommandé la lecture de certain système métaphysique, fondé sur une suite d’arguments par lesquels l’auteur faisait admirer son génie et sa dextérité, sans cependant convaincre son lecteur ou prouver autre chose que son éloquence et la finesse de ses sophismes, il lui demanda quelque temps après ce qu’il pensait de cet ouvrage : « Les métaphysiciens, lui répondit Voltaire, sont comme les gens qui dansent le menuet : parés de la manière la plus avantageuse, ils font une ou deux révérences, parcourent l’appartement avec beaucoup de grâce, sont constamment en mouvement sans avancer d’un pas, et finissent par se retrouver au même point d’où ils étaient partis. »

Genève.

Considéré comme maître, Voltaire se présente à Genève sous un jour très-favorable. Il est affable, humain et généreux envers ses vassaux et ses domestiques. Il aime à les voir prospérer, et s’intéresse à leurs affaires avec le zèle d’un vrai patriarche. Il favorise l’industrie et encourage les manufactures de sa ville par tous les moyens dont, il peut s’aviser ; par ses soins, par sa seule protection, Ferney, qui n’était auparavant qu’un mauvais village dont les habitants étaient aussi paresseux que méprisables, est devenu une petite ville aisée et passablement jolie.

Cette acrimonie, que l’on remarque dans plusieurs ouvrages de Voltaire, n’est dirigée que contre quelques-uns de ses rivaux qui osent lui disputer sur le Parnasse la place distinguée à laquelle ses talents lui donnent le droit de prétendre.

S’il a été l’auteur de plusieurs satires mordantes, il en a été aussi l’objet. Il serait difficile de décider si c’est lui qui a été l’agresseur ; mais on doit avouer que toutes les fois qu’il n’a pas été personnellement attaqué en sa qualité d’écrivain, il s’est montré bon et facile ; dans plusieurs occasions, il a témoigné une véritable philanthropie… Toute sa conduite relativement à la famille Calas ; la protection qu’il a accordée aux Sirven ; son humanité