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JUGEMENTS


SUR VOLTAIRE.




PREMIÈRE ÉPOQUE


On ne saurait arracher un cheveu à cet homme sans lui faire jeter les hauts cris. À soixante ans passés il est auteur, et, auteur célèbre, il n’est pas encore fait à la peine. Il ne s’y fera jamais. L’avenir ne le corrigera point. Il espérera le bonheur jusqu’au moment où la vie lui échappera.

... Qu’il nous conserve une vie que je regarde comme la plus précieuse et la plus honorable à l’univers. On a des rois, des souverains, des ministres, des juges en tout temps ; il faut des siècles pour recouvrer un homme comme lui.

... C’est Voltaire qui écrit pour cette malheureuse famille des Calas. Oh ! mon ami, le bel emploi du génie ! Il faut que cet homme ait de l’âme, de la sensibilité, que l’injustice le révolte, et qu’il sente l’attrait de la vertu. Eh ! que lui sont les Calas ? Qu’est-ce qui peut l’intéresser pour eux ? Quelle raison a-t-il pour s’occuper de leur défense ?

... Quand il y aurait un Christ, je vous assure que Voltaire serait sauvé. (Mémoires.)

On sait avec quelle bonté Voltaire accueillait les jeunes gens qui s’annonçaient par quelques talents pour la poésie : le Parnasse français était comme un empire dont il n’aurait voulu céder le sceptre à personne au monde, mais dont il se plaisait à voir les sujets se multiplier...

Les conversations de Voltaire et de Vauvenargues étaient ce que jamais on peut entendre de plus riche et de plus fécond. C’était, du côté de Voltaire, une abondance intarissable de faits intéressants et de traits de lumière. C’était, du côté de Vauvenargues, une éloquence pleine d’aménité, de grâce et de sagesse. Jamais dans la dispute on ne mit tant d’esprit, de douceur, de bonne foi, et, ce qui me charmait plus encore, c’était, d’un côté, le respect de Vauvenargues pour le génie de Voltaire, et, de l’autre, la tendre vénération de Voltaire pour la vertu de Vauvenargues...