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DOCUMENTS BIOGRAPHIQUES.

lequel nous a représenté un manuscrit in-4°, usé de vétusté, relié en un carton qui paraît aussi fort vieux, intitulé Essai sur les Révolutions du monde et sur l’Histoire de l’esprit humain, depuis le temps de Charlemagne jusqu’à nos jours, 1740 ; lequel ledit sieur comparant a dit avoir reçu hier 21 du courant, venant de sa bibliothèque de Paris, dans un paquet contre-signé « Bouret ».

Il nous a montré pareillement un livre imprimé en deux volumes in-12, intitulé Abrégé de l’Histoire universelle, depuis Charlemagne jusqu’à Charles-Quint, par M. de Voltaire ; à la Haye, chez Jean Néaulme, en l’année 1753 ; et nous avons reconnu que ledit abrégé était en quelque partie tiré du manuscrit dudit sieur comparant, à nous exhibé, en ce que tous deux commencent de la même façon : Plusieurs esprits infatigables ayant, etc.

Nous avons reconnu pareillement la différence très-grande qui est entre ledit manuscrit et ledit imprimé par les observations suivantes :

1° Nous avons trouvé à la première page du manuscrit, ligne 3 : Les historiens en cela ressemblent à quelques tyrans dont ils parlent : ils sacrifient le genre humain à un seul homme.

Et dans l’édition de Jean Néaulme nous avons trouvé : Les historiens, semblables en cela aux rois, sacrifient le genre humain à un seul homme.

Sur quoi l’auteur a protesté qu’il se pourvoirait en temps et lieu contre ceux qui ont défiguré son ouvrage d’une manière si odieuse.

2° Page 39 du manuscrit : Le roi de Perse eut un fils qui, s’étant fait chrétien, fut indigne de l’être, et se révolta contre lui.

Dans l’édition de Jean Néaulme on a supprimé malignement ces mots essentiels : fut indigne de l’être.

3° Page 46 dudit manuscrit, à l’article de Mahomet : Le vulgaire turc ne voit pas ces fautes, les adore ; et les imans n’ont pas de peine à persuader ce que personne n’examine.

On a mis dans l’imprimé : Le vulgaire, qui ne voit pas ces fautes, les adore ; et les docteurs emploient un déluge de paroles pour les pallier.

Cette affectation de mettre docteurs à la place d’imans nous a paru sensible.

4° Page 65 du manuscrit : Il était impossible de ne pas révérer une suite presque non interrompue de pontifes qui avaient consolé l’Église, étendu la religion, adouci les mœurs des Hérules, des Goths, des Vandales, des Lombards et des Francs.

Tout ce passage, qui contient plus de deux pages, est entièrement oublié dans l’édition de Hollande.

5° Page 71 du manuscrit : C’est une chose très-remarquable que de près de quatre-vingts sectes qui avaient déchiré l’Église depuis sa naissance, aucune n’avait eu un Romain pour auteur, si on excepte Novatien.

Ce passage ne se trouve, non plus que tout ce qui suit, dans l’édition de Jean Néaulme.