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DE BEUCHOT.

Panckoucke voulait faire une nouvelle édition des Œuvres de Voltaire. Le philosophe y consentit, et lui promit des ouvrages encore manuscrits ; il avait aussi promis de revoir et corriger d’un bout à l’autre tout ce qui avait été imprimé de lui. Les corrections devaient être portées sur un exemplaire de l’édition encadrée que Panckoucke lui avait remis, interfolié de papier blanc. Quand Voltaire mourut, il n’avait pas eu le temps de revoir tous les volumes : on remit à Panckoucke tous ceux qu’on trouva, et des manuscrits. Mais le libraire, sentant le besoin d’une protection puissante pour son édition, s’adressa à Catherine II, qui avait acquis de Mme Denis la bibliothèque de Voltaire. L’impératrice ne se pressa pas de répondre. Beaumarchais, qui avait gagné une grande fortune dans les fournitures faites aux insurgés américains, et qui désirait avoir une opération qu’il put présenter comme source de ses richesses, traita avec Panckoucke de l’édition de Voltaire. On raconte que, le lendemain de la signature du traité, Panckoucke, après sept mois d’attente, reçut une lettre de l’impératrice qui acceptait la dédicace, se chargeait de faire les frais de l’édition, et accompagnait sa réponse d’une lettre de change de cent cinquante mille francs. Beaumarchais ne voulut pas résilier son marché. Il forma un vaste établissement à Kehl, sur la rive droite du Rhin, et y éleva une imprimerie. Il avait acquis les caractères de l’imprimeur anglais Baskerville, et les employa pour ses éditions.

Il en confia ou en laissa la direction littéraire à MM. de Condorcet et Decroix[1] ; la classification que ce dernier avait proposée, en 1777, à Voltaire fut suivie. Il y avait deux grandes divisions. Poésie et Prose. Les volumes de poésie comprenaient le Théâtre, la Henriade, la Pucelle, les Poëmes, les Épîtres, Stances, Odes, les Contes, Satires, Poésies mêlées, et un volume de Lettres en vers et en prose.

La division Prose était subdivisée en Histoire, Philosophie, Littérature. L’histoire comprend l’Essai sur les Mœurs, le Siècle de Louis XIV, le Précis du Siècle de Louis XV, l’Histoire de Charles XII, l’Histoire de Russie sous Pierre Ier, les Annales de l’Empire, l’Histoire du parlement de Paris, divers ouvrages réunis sous la rubrique de Mélanges historiques, d’autres sous celle de Politique et Législation.

La Philosophie embrassait les ouvrages de Physique et d’Histoire naturelle, plusieurs ouvrages réunis sous le titre de Philosophie générale, les Dialogues, le Dictionnaire philosophique.

La Littérature se composait des Romans (ou Contes en prose), de Facéties (titre sous lequel on reproduisait beaucoup d’opuscules de divers temps), de Mélanges littéraires, réunion de différents écrits, des Commentaires sur Corneille, et de la Correspondance.

  1. Beaumarchais ne fut guère dans l’entreprise que l’éditeur financier, si l’on peut parler ainsi. Il a donné cependant quelques notes qui, comme celle de la page 222 du présent volume, sont signées de ces mots : Note du correspondant général de la Société littéraire typographique. Au bas des frontispices des volumes de l’édition de Kehl, on lit en effet, sans indication de ville, ces mots : De l’imprimerie de la Société littéraire typographique.