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VIE DE VOLTAIRE.

Le père de M. de Voltaire exerçait la charge de trésorier de la chambre des comptes[1] ; sa mère, Marguerite Daumard, était d’une famille noble du Poitou. On a reproché à leur fils d’avoir pris ce nom de Voltaire, c’est-à-dire d’avoir suivi l’usage alors généralement établi dans la bourgeoisie riche, où les cadets, laissant à l’aîné le nom de famille, portaient celui d’un fief, ou même d’un bien de campagne[2]. Dans une foule de libelles on a cherché à rabaisser sa naissance. Les gens de lettres, ses ennemis, semblaient craindre que les gens du monde ne sacrifiassent trop aisément leurs préjugés aux agréments de sa société, à leur admiration pour ses talents, et qu’ils ne traitassent un homme de lettres avec trop d’égalité. Ces reproches sont un hommage : la satire n’attaque point la naissance d’un homme de lettres, à moins qu’un reste de conscience qu’elle ne peut étouffer ne lui apprenne qu’elle ne parviendra point à diminuer sa gloire personnelle.

    du 20 février. Mais M. Berriat Saint-Prix, dans son édition des Œuvres de Boileau (tome Ier, Essai sur Boileau, pages xj et suivantes), établit qu’elle est inadmissible. L’acte de baptême, du 22 novembre 1694, porte : né le jour précédent. Cet acte est signé du père, alors notaire, et qui, en cette qualité, eût senti tous les inconvénients qu’il pouvait y avoir à ne pas donner la date précise de la naissance de l’enfant. Cet acte ne fait pas mention de l’ondoiement qu’on prétend avoir eu lieu en février, d’où M. Berriat conclut encore contre la date du 20 février. Il observe que le frère aîné de Voltaire avait été ondoyé, circonstance rappelée, suivant l’usage, dans l’acte de baptême ; et il est porté à croire qu’il y a confusion à attribuer à Voltaire l’ondoiement de son frère. Il pense que c’était pour détourner la persécution qu’il redoutait que Voltaire se vieillissait de quelques mois. Il est donc persuadé que Voltaire est né le 21 novembre 1694, à Paris même, et non à Chatenay (B.) — Voyez ci-après les Documents biographiques.

    M. Benjamin Fillon, dans ses Lettres écrites de la Vendée (Paris, Tross, 1861, in-8o), cite une lettre de Pierre Bailly, cousin issu de germain du nouveau-né, datée de Paris du 24 novembre 1694, et adressée à son père, fabricant d’étoffes à la Châtaigneraye : « Mon père, nos cousins ont un autre fils, né d’il y a trois jours. Mme Arouet me donnera pour vous et pour la famille des dragées du baptême. Elle a esté très-malade ; mais on espère qu’elle va mieux. L’enfant n’a pas grosse mine, s’estant senti de la cheute de sa mère. »

  1. Lors de la naissance de Voltaire, son père n’était pas encore trésorier de la chambre des comptes. Il n’eut cette charge que le 10 octobre 1696. On a dit que François Arouet, père de Voltaire, était né à Saint-Loup, bourg sur les bords du Thouet (aujourd’hui département des Deux-Sèvres). En 1811 et 1812 il existait encore, à Saint-Loup et dans les environs, des Arouet. François Arouet avait environ trente-deux ans quand il se maria, le 7 juin 1683 ; il est mort en 1723 ou 1724. (B.)

    Le père de Voltaire était encore notaire au Châtelet à l’époque de sa naissance. Il devint ensuite (il fut admis au serment en 1701) receveur alternatif et triennal des épices, vacations et amendes de la chambre des comptes de Paris.

  2. Voltaire est le nom d’un petit bien de famille qui appartenait à la mère de l’auteur de la Henriade. On a prétendu que le nom de Voltaire était l’anagramme de la signature qu’il avait dans sa jeunesse, Arouet L. J. (Arouet le jeune). Je suis porté à croire que ce n’était pas là sa signature, et qu’il s’appelait Arouet le cadet. C’est sous ce nom qu’il écrivait à Mlle  Dunoyer, le 6 décembre 1713, de lui adresser ses lettres. La dédicace d’Œdipe à Madame, femme du régent, est signée Arouet de Voltaire (voyez tome II, page 8). Cette dédicace est de 1719 ; l’auteur