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ÉLOGE
DE VOLTAIRE

PAR LA HARPE[1]

Cujus gloriæ neque profuit quisquam laudando,
nec vituperando quisquam nocuit.
(Tit. Liv.)


Heureux, sans doute, celui qui n’aura pas attendu pour célébrer le génie que les hommages qu’on lui doit ne puissent plus s’adresser qu’à des cendres insensibles ; celui qui s’est acquis le droit de lui rendre témoignage devant la postérité, après avoir osé le lui rendre en présence de l’envie ! Heureux encore jusque dans ce devoir douloureux le panégyriste et l’ami

  1. On n’a presque point mis de notes à ce discours, précisément parce qu’il en comportait trop. Tout le personnel de M. de Voltaire, sa vie, qui tient à tout, son histoire littéraire si fertile en événements, l’examen réfléchi de ses innombrables ouvrages, la foule d’anecdotes et de commentaires dont ils sont susceptibles, tous ces objets si étendus et si intéressants auraient été morcelés dans des notes, et sont réservés pour un autre cadre, dans lequel ils occuperont un juste espace. Les personnes dont la curiosité empressée chercherait ici ces détails doivent songer que la nature de l’ouvrage devait les exclure, et qu’il ne fallait pas que l’orateur empiétât sur le critique, ni le panégyriste sur l’historien. (Avertissement de l’auteur.)

    — La première édition de l’Éloge de Voltaire, par La Harpe, est de 1780. Cet ouvrage n’a été composé pour aucun concours ; mais l’auteur en avait lu des fragments dans une séance de l’Académie française, du 20 décembre 1779.

    Grimm écrit dans sa Correspondance (avril 1780) : « L’Éloge de Voltaire, par M. de La Harpe, mérite d’être distingué, à plus d’un titre, de la foule des panégyriques dont on n’a pas encore cessé de fatiguer les mânes de Voltaire. Si dans l’éloge qu’en a fait M. Thomas, sous le nom de M. Ducis (Discours de réception de ce dernier), il y a plus d’idées et d’originalité, on a cru trouver dans celui-ci une éloquence plus touchante et plus soutenue. Ce n’est pas sans doute le plus glorieux monument qui ait été consacré à la mémoire du grand homme, puisqu’il en existe un de la main de Frédéric, et qu’il en est un autre que lui destine l’amitié de Catherine II. Mais de tous les ouvrages où l’on a tâché de présenter le tableau du génie de M. de Voltaire, il n’en est, ce me semble, aucun où le mérite de ses différents travaux ait été développé avec plus d’admiration, d’intérêt et de goût. De l’avis de l’auteur lui-même, cet éloge est ce qu’il a jamais écrit de mieux en prose, et le public paraît fort disposé à l’en croire, au moins cette fois-ci, sur parole. »