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COMMENTAIRE


Le premier magistrat et le premier pasteur évangélique de Lausanne ayant établi une imprimerie dans cette ville, on y fit, sous le nom de Londres, une édition appelée complète. Les éditeurs y ont inséré plus de cent petites pièces en prose et en vers qui ne peuvent être ni de lui, ni d’un homme de goût, ni d’un homme du monde, telles que celle-ci, qui se trouve dans les opuscules de l’abbé de Grécourt[1] :

Belle maman, soyez l’arbitre
Si la fièvre n’est pas un titre
Suffisant pour me disculper.
Je suis au lit comme un bélître,
Et c’est à force de lamper ;
Mais j’espère d’en réchapper,
Puisqu’en recevant cette épître
L’Amour me dresse mon pupitre.

Telle est une apothéose de Mlle Lecouvreur, faite par un précepteur nommé Bonneval :

Quel contraste frappe mes yeux !
Melpomène ici désolée
Élève, avec l’aveu des dieux,
Un magnifique mausolée.

Telle est cette pièce misérable :

Adieu, ma pauvre tabatière,
Adieu, doux fruit de mes écus.

Telle est cette autre, intitulée le Loup moraliste.

Telle est je ne sais quelle ode, qui semble être d’un cocher de Vertamon devenu capucin, intitulée le vrai Dieu.

Ces bêtises étaient soigneusement recueillies dans l’édition complète, d’après les livres nouveaux de Mme Oudot[2], les Almanachs des Muses, le Portefeuille retrouvé[3] et les autres ouvrages

    in-4°, et que je rétablis d’après l’édition originale, avait été omise dans les éditions de Kehl et dans beaucoup d’autres. (B.)

  1. Les pièces que Voltaire désavoue ici avaient été déjà désavouées par lui en 1773, dans une des notes de son Dialogue de Pégase et du Vieillard.
  2. Imprimeur à Troyes, dont les presses reproduisaient les romans des Quatre fils Aymon, de Huon de Bordeaux, de Jean de Paris, les Faits et proesses du noble et vaillant Hercules, et autres faisant partie de ce qu’on appelle la Bibliothèque bleue.
  3. L’ouvrage dont parle Voltaire est intitulé le Portefeuille trouvé : voyez la note, tome VI, page 337.