Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome1.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
HISTORIQUE.


vaut pas grand’chose ; hélas ! il y a soixante ans que je le savais comme lui. J’avais débuté à vingt ans par le second chant de la Henriade. J’étais alors tel qu’est aujourd’hui M. Clément, je ne savais de quoi il était question. Au lieu de faire un gros livre contre moi, que ne fait-il une Henriade meilleure ? Cela est si aisé ! »

Il y a des sortes d’esprits qui, ayant contracté l’habitude d’écrire, ne peuvent y renoncer dans la plus extrême vieillesse : tels furent Huet et Fontenelle. Notre auteur, quoique accablé d’années et de maladies, travailla toujours gaiement. L’Épître à Boileau[1], L’Épître à Horace[2], la Tactique[3], le Dialogue de Pégase et du Vieillard[4], Jean qui pleure et qui rit[5], et plusieurs petites pièces dans ce goût, furent écrites à quatre-vingt-deux ans. Il fit aussi les Questions sur l’Encyclopédie[6]. On faisait plusieurs éditions à la fois de chaque volume à mesure qu’il en paraissait un. Ils sont tous imprimés assez incorrectement.

Il y a sur l’article Messie un fait assez étrange, et qui montre que les yeux de l’envie ne sont pas toujours clairvoyants. Cet article Messie[7], déjà imprimé dans la grande Encyclopédie de Paris, est de M. Polier de Bottens, premier pasteur de l’Église de Lausanne, homme aussi respectable par sa vertu que par son érudition. L’article est sage, profond, instructif. Nous en possédons l’original, écrit de la propre main de l’auteur. On crut qu’il était de M. de Voltaire, et on y trouva cent erreurs. Des qu’on sut qu’il était d’un prêtre, l’ouvrage fut très-chrétien.

Parmi ceux qui tombèrent dans ce piége, il faut daigner compter l’ex-jésuite Nonotte. C’est ce même homme qui s’avisa de nier qu’il y eût dans le Dauphiné une petite ville de Livron[8], assiégée par l’ordre de Henri III ; qui ne savait pas que des rois de la première race avaient eu plusieurs femmes à la fois[9] ; qui ignorait qu’Eucherius était le premier auteur de la fable de la légion thébaine[10]. C’est lui qui écrivit deux volumes contre l’Essai sur les Mœurs et l’Esprit des nations, et qui se méprit à chaque page

  1. Voyez tome X.
  2. Voyez ibid.
  3. Voyez tome X, page 187.
  4. Voyez ibid., page 195.
  5. Voyez tome IX, page 556.
  6. Les Questions sur l’Encyclopédie parurent de 1770 à 1772.
  7. Voyez tome XX, page 62.
  8. Voyez tome XXVII, page 402.
  9. Voyez tome XIX, page 100 ; XXIV, 489 ; XXVI, 144.
  10. Voyez tome XXIV, page 487 ; XXVI, 142.