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HISTORIQUE.

tous les temps, l’estime et l’inclination de l’auteur pour la nation anglaise ; et il a toujours persisté dans ces sentiments.

Ce fut l’infortuné comte de Lally qui avait fait le projet et le plan de cette descente, laquelle ne fut point effectuée. Il était né Irlandais, et il haïssait les Anglais autant que notre auteur les aimait et les estimait. Cette haine était même chez Lally une passion violente, à ce que nous a dit plusieurs fois M. de Voltaire : nous ne pouvons nous empêcher de témoigner notre profond étonnement que le général Lally ait été accusé d’avoir depuis livré Pondichéry aux Anglais. L’arrêt qui l’a condamné à la mort est un des jugements les plus extraordinaires qui aient été rendus dans notre siècle ; c’est une suite des malheurs de la France. Cet exemple, et celui du maréchal de Marillac, font assez voir que quiconque est à la tête des armées ou des affaires est rarement sûr de mourir dans son lit, ou au lit d’honneur.

Ce fut en 1746[1] que M. de Voltaire entra dans l’Académie française. Il fut le premier qui dérogea à l’usage fastidieux de ne remplir un discours de réception que des louanges rebattues du cardinal de Richelieu. Il releva sa harangue par des remarques nouvelles sur la langue française et sur le goût. Ceux qui ont été reçus après lui ont, pour la plupart, suivi et perfectionné cette méthode utile.

Il était, en 1748, avec Mme  du Châtelet à Lunéville, auprès du roi Stanislas, lorsqu’il envoya à la Comédie Nanine, qui fut représentée le 17 juillet de cette année. Elle réussit peu d’abord ; mais elle eut ensuite un succès aussi grand que durable. Je ne puis attribuer cette bizarrerie qu’à la secrète inclination qu’on a d’humilier un homme qui a trop de renommée. Mais avec le temps on se laisse entraîner à son plaisir.

Il arriva la même chose à la première représentation de Sémiramis, le 29 août de la même année 1748 ; mais à la fin elle fit encore plus d’effet au théâtre que Mérope et Mahomet.

Une chose, à mon avis, singulière, c’est qu’il ne donna point sous son nom le Panégyrique de Louis XV, imprimé en 1749, et traduit en latin, en italien, en espagnol et en anglais[2].

La maladie qui avait tant fait craindre pour la vie du roi Louis XV, et la bataille de Fontenoy, qui avait fait craindre encore plus pour lui et pour la France, rendaient l’ouvrage intéressant. L’auteur ne loue que par les faits, et on y trouve un ton de philo-

  1. Voyez son Discours de réception, tome XXIII, page 205.
  2. Ce Panégyrique est de 1748 ; voyez tome XXIII, page 263.