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HISTORIQUE.

Peu de personnes connaissent le petit impromptu qu’il fit sur cette grâce, qui lui avait été accordée sans qu’il l’eût sollicitée.

Mon Henri Quatre et ma Zaïre,
Et mon Américaine Alzire,
Ne m’ont valu jamais un seul regard du roi ;
J’avais mille ennemis avec très-peu de gloire :
Les honneurs et les biens pleuvent enfin sur moi
Pour une farce de la Foire.

Il avait eu cependant, longtemps auparavant, une pension du roi de deux mille livres, et une de quinze cents de la reine ; mais il n’en sollicita jamais le payement.

L’histoire étant devenue un de ses devoirs, il commença quelque chose du Siècle de Louis XIV ; mais il différa de le continuer ; il écrivit la campagne de 1744, et la mémorable bataille de Fontenoy. Il entra dans tous les détails de cette journée intéressante. On y trouve jusqu’au nombre des morts de chaque régiment. Le comte d’Argenson, ministre de la guerre, lui avait communiqué les lettres de tous les officiers. Le maréchal de Noailles et le maréchal de Saxe lui avaient confié des mémoires.

Je crois faire un grand plaisir à ceux qui veulent connaître les événements et les hommes, de transcrire ici la lettre que M. le marquis d’Argenson, ministre des affaires étrangères, et frère aîné du secrétaire d’État de la guerre, écrivit du champ de bataille à M. de Voltaire[1].

C’est ce même marquis d’Argenson que quelques courtisans un peu frivoles appelaient d’Argenson la bête. On voit par cette lettre qu’il était d’un esprit agréable, et que son cœur était humain. Ceux qui le connaissaient voyaient en lui un philosophe plus qu’un politique, mais surtout un excellent citoyen. On en peut juger par son livre intitulé Considérations sur le Gouvernement, imprimé, en 1764, chez Marc-Michel Rey. Voyez surtout le chapitre de la Vénalité des charges. Je ne puis me défendre du plaisir d’en citer quelques passages :

« Il est étonnant qu’on ait accordé une approbation générale au livre intitulé Testament politique du cardinal de Richelieu[2], ouvrage de quelque pédant ecclésiastique, et indigne du grand

  1. Nous avons placé cette lettre de d’Argenson à Voltaire dans la Correspondance, tome XXXVI pages 361 et suiv.
  2. Voyez la note, tome XVII, page 211.