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HISTORIQUE.

illa, alah, Mohammed resoul allah. Ensuite on me fit dire la prière qui commence par ces mots : Benamiezdam Bakshaeïer dadar, au nom de Dieu clément et miséricordieux, etc.

« Cette cérémonie se fit en présence de deux musulmans qui allèrent sur-le-champ en rendre compte au bacha de Bosnie. Pendant qu’ils faisaient leur message, je me fis raser la tête, et l’iman me la couvrit d’un turban, etc. »

Je pourrais joindre à ce fragment curieux quelques chansons du comte bacha ; mais quoique ces couplets soient fort gais[1], ils ne sont pas si intéressants que sa prose.

Je n’aurai rien à dire de l’année 1744, sinon que mon auteur fut admis dans presque toutes les académies de l’Europe, et, ce qui est singulier, dans celle de la Crusca. Il avait fait une étude sérieuse de la langue italienne, témoin une lettre de l’éloquent cardinal Passionei[2], qui commence par ces mots :

« J’ai lu et relu, toujours avec un nouveau plaisir, votre lettre italienne belle et savante. Il est difficile de concevoir comment un homme qui possède à fond d’autres langues a pu atteindre à la perfection de celle-ci.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


La remarque qui est dans votre lettre sur les erreurs des plus grands hommes vient fort à propos : car le soleil a ses taches et ses éclipses ; celles-ci sont observées dans le dernier des almanachs ; et, comme vous le pensez très-bien, les censeurs trop sévères ont souvent besoin que nous ayons pour eux plus d’indulgence que pour ceux qu’ils reprennent. Homère, Virgile, le Tasse, et plusieurs autres, perdront peu sur une petite et légère faute qui est couverte par mille beautés ; mais les Zoïles seront toujours ridicules, et ne sauront pas distinguer les perles du fumier d’Ennius, etc. »

Ce cardinal écrivait, comme on voit, en français presque aussi bien qu’en italien, et pensait très-judicieusement. Nos Zoïles ne lui échappaient pas.

M. de Voltaire, sur la fin de 1744, eut un brevet d’historiographe de France, qu’il qualifie de magnifique bagatelle ; il était déjà connu par son Histoire de Charles XII, dont on a fait tant d’éditions. Cette histoire fut principalement composée en An-

  1. Wagnière en rapporte quelques-uns, page 28 de ses Additions au Commentaire historique, qui sont au tome Ier des Mémoires sur Voltaire, etc., par Longchamp et Wagnière, 1826, deux volumes in-8°.
  2. Voyez la note, tome XXXVI, page 421.