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AVERTISSEMENT
POUR LA PRÉSENTE ÉDITION.




L’historique des destinées de cette pièce fameuse est exposé dans l’Avis de l’éditeur. Nous n’avons que quelques détails à y ajouter. La troupe qui représenta Mahomet à Lille est celle de l’acteur et auteur tragique Lanoue. Le mari de la nièce de Voltaire, Mme Denis, avait été envoyé à Lille en qualité de commissaire-ordonnateur des guerres. Voltaire et Mme du Châtelet allèrent passer quelques jours auprès du jeune ménage. Le théâtre de Lille était alors dirigé par Lanoue, avec qui Voltaire avait été en relations lorsque le roi de Prusse lui avait demandé de lui recruter une troupe de comédiens. Quand ils se retrouvèrent à Lille, au commencement de l’année 1741, Lanoue proposa à Voltaire de jouer Mahomet sur son théâtre. Voltaire s’empressa d’accepter. « On dira que je ne suis plus qu’un auteur de province, écrit-il à d’Argental ; mais j’aime encore mieux juger moi-même de l’effet que fera cet ouvrage dans une ville où je n’ai point de cabale à craindre, que d’essuyer encore les orages de Paris. »

La représentation eut lieu au mois d’avril, avec un tel succès qu’il fallut jouer la pièce quatre fois. « Et de ces quatre représentations, écrit l’auteur, il y en a eu une chez l’intendant, en faveur du clergé qui a voulu absolument voir un fondateur de religion. »

Pendant la première représentation, Voltaire se leva tout à coup dans sa loge, et, une dépêche à la main qu’il venait de recevoir du roi de Prusse, il demanda le silence et annonça la victoire que Frédéric venait de remporter à Molwitz. L’assemblée battit des mains.

Voltaire parut enchanté de ses interprètes : « Lanoue, avec sa physionomie de singe, a joué le rôle de Mahomet bien mieux que n’eût fait Dufresne. Cela n’est pas vraisemblable, mais cela est très-vrai. Le petit Baron s’est tellement perfectionné, a eu un jeu si naturel, des mouvements si passionnés, si vrais et si tendres, qu’il faisait pleurer tout le monde comme on saigne du nez. »

Voltaire fit grand bruit de ce succès, qui devint aussitôt la nouvelle de l’Europe.

De retour à Paris au commencement de l’année suivante, il lut sa pièce aux grands seigneurs, aux dames illustres, aux ministres, à tout le monde. Il en communiqua le manuscrit au cardinal de Fleury, qui n’y trouva rien à