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ZULIME.

SCENE IIL

BËNÂSSAR, ZULIME, ATIDE, RAMIRE. MOHADIR, SUITE.

R à MI RE, enchaîné.

Achève de m’ôter cette vie importune. Depuis que je suis né, trahi par la fortune, Sorti du sang des rois, j*ai vécu dans les fers ; Et je meurs en coupable au fond de ces déserts. Mais de mon triste état Toutrage et la bassesse N’ont point de mon courage avili la noblesse ; Ce cœur impénétrable aux coups qui Pont frappé. Ne l’ayant jamais craint, ne t’a jamais trompé. Pour otage en tes mains je remettais Atide. Ni son cœur, ni le mien ne peut être perfide. Va, Ramire était loin de te manquer de foi ; Bénassar, nos serments m’étaient plus chers qu’à toi, Je sentais tes chagrins, j’effaçais ton injure ; De ce cœur paternel je fermais la blessure. Tout était réparé. Mes funestes destins Ont tourné contre moi mes innocents desseins. Tu m’as trop mal connu ; c’est ta seule injustice : Que ce soit la dernière, et que dans mon supplice Des cœurs pleins de vertus ne soient point entraînés.

BÉNASSAR.

Le ciel à d’autres soins nous a tous destinés.

Je devrais te haïr : tu me forces, Ramire,

A reconnaître en toi des vertus que j’admire.

Je n’ai point oublié tes services passés ;

Et quoique par ton crime ils fussent effacés,

J’ai trop vu, malgré moi, dans ce combat funeste*.

Que de ce sang glacé tu respectais le reste.

Un amour emporté, source de nos malheurs.

Plus fort que mes bontés, plus puissant que mes pleurs.

M’arracha par tes mains et ma gloire et ma fille ;

1. Dans la lettre à d*Ârgental, du H mai 1760, Voltaire propose : J’ai trop TU, je l’avoue, on ce combat funeste.