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M. Duru.

Je fuis l’intime ami de monsieur votre maître,
Et de monsieur Gripon. Je peux très-aisément
Vous faire ici du bien, même en argent comptant.

Marthe.

Vous me ferez plaisir. Mais, monsieur, le temps presse,
Et voici le moment de coucher ma maîtresse.

M. Duru.

Se coucher quand il est neuf heures du matin ?

Marthe.

Oui, monsieur.

M. Duru.

Oui, monsieur.Quelle vie et quel horrible train !

Marthe.

C’est un train fort honnête. Après souper on joue ;
Après le jeu l’on danse ; et puis on dort.

M. Duru.

Après le jeu l’on danse ; et puis on dort.J’avoue
Que vous me surprenez ; je ne m’attendais pas
Que madame Duru fît un si beau fracas.

Marthe.

Quoi ! cela vous surprend, vous bonhomme, à votre âge ?
Mais rien n’est plus commun. Madame fait usage
Des grands biens amassés par son ladre mari ;
Et quand on tient maison, chacun en use ainsi.

M. Duru.

Mignonne, ces discours me font peine à comprendre ;
Qu’est-ce tenir maison ?

Marthe.

Qu’est-ce tenir maison ?Faut-il tout vous apprendre ?
D’où diable venez-vous ?

M. Duru.

D’où diable venez-vous ?D’un peu loin.

Marthe.

D’où diable venez-vous ? D’un peu loin.Je le voi.
Vous me paraissez neuf, quoique antique.

M. Duru.

Vous me paraissez neuf, quoique antique.Ma foi,
Tout est neuf à mes yeux. Ma petite maîtresse
Vous tenez donc maison ?

Marthe.

Vous tenez donc maison ?Oui.