Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/592

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ACTE DEUXIÈME.




Scène I.

M. GRIPON, DAMIS.
M. Gripon.

Comment ! dans ce logis est-on fou, mon garçon ?
Quel tapage a-t-on fait la nuit dans la maison ?
Quoi ! deux tables encor impudemment dressées !
Des débris d’un festin, des chaises renversées,
Des laquais étendus ronflans sur le plancher,
Et quatre violons, qui ne pouvant marcher,
S’en vont en fredonnant à tâtons dans la rue !
N’es-tu pas tout honteux ?

Damis.

N’es-tu pas tout honteux ?Non : mon âme est émue
D’un sentiment si doux, d’un si charmant plaisir,
Que devant vous encor je n’en saurais rougir.

M. Gripon.

D’un sentiment si doux ! que diable veux-tu dire ?

Damis.

Je dis que notre hymen à la famille inspire
Un délire de joie, un transport inouï.
À peine hier au soir sortîtes-vous d’ici,
Que livrés par avance au lien qui nous presse,
Après un long souper, la joie et la tendresse,
Préparant à l’envi le lien conjugal,
Nous avons cette nuit ici donné le bal.

M. Gripon.

Voilà trop de fracas avec trop de dépense.
Je n’aime point qu’on ait du plaisir par avance.
Cette vie à ton père à coup sûr déplaira.
Et que feras-tu donc quand on te mariera ?