Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/582

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je ne la connais plus c’est un cœur de rocher…

Madame Duru.

Quel rocher ! Vous voyez, un homme ici ma fille,
Qui veut obstinément être de la famille :
Il est pressant ; je crains que l’ardeur de ce feu,
Le rendant importun, ne vous déplaise un peu.

Érise.

Oh ! non, ne craignez rien ; s’il n’a pu vous déplaire.
Croyez que contre lui je n’ai point de colère :
J’aime à vous obéir. Comment ne pas vouloir
Ce que vous commandez, ce qui fait mon devoir,
Ce qui de mon respect est la preuve si claire ?

Madame Duru.

Je ne commande point.

Érise.

Je ne commande point.Pardonnez-moi, ma mère,
Vous l’avez commandé, mon cœur en est témoin.

Le Marquis.

De me justifier elle-même prend soin.
Nous sommes deux ici contre vous. Ah ! madame,
Soyez sensible aux feux d’une si pure flamme ;
Vous l’avez allumée, et vous ne voudrez point
Voir mourir sans s’unir ce que vous avez joint.

(À Érise.)

Parlez donc, aidez-moi. Qu’avez-vous à sourire ?

Érise.

Mais vous parlez si bien que je n’ai rien à dire ;
J’aurais peur d’être trop de votre sentiment,
Et j’en ai dit, me semble, assez honnêtement.

Madame Duru.

Je vois, mes chers enfants, qu’il est fort nécessaire
De conclure au plutôt cette importante affaire.
C’est pitié de vous voir ainsi sécher tous deux,
Et mon bonheur dépend du succès de vos vœux :
Mais mon mari !

Le Marquis.

Mais mon mari !Toujours son mari ! Sa faiblesse
De cet épouvantail s’inquiète sans cesse.

Érise.

Il est mon père.