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Et de son plein pouvoir dans sa lettre il m’honore.

Le Marquis.

Eh ! de ce plein pouvoir que ne vous servez-vous
Pour faire un heureux choix d’un plus honnête époux ?

Madame Duru.

Hélas ! à vos désirs je voudrais condescendre ;
Ce ferait mon bonheur de vous avoir pour gendre ;
J’avais, dans cette idée, écrit plus d’une fois ;
J’ai prié mon mari de laisser à mon choix
Cet établissement de deux enfants que j’aime.
Monsieur Gripon me cause une frayeur extrême ;
Mais, tout Gripon qu’il est, il le faut ménager,
Écrire encor dans l’Inde, examiner, songer.

Le Marquis.

Oui ; voilà des raisons, des mesures commodes ;
Envoyer publier des bans aux Antipodes
Pour avoir dans trois ans un refus clair et net !
De votre cher mari je ne fuis pas le fait ;
Du seul nom de marquis sa grosse âme étonnée
Croirait voir sa maison au pillage donnée.
Il aime fort l’argent, il connaît peu l’amour.
Au nom du cher objet qui de vous tient le jour,
De la vive amitié qui m’attache à sa mère,
De cet amour ardent qu’elle voit sans colère,
Daignez former, madame, un si tendre lien :
Ordonnez mon bonheur, j’ose dire le sien ;
Qu’à jamais à vos pieds je passe ici ma vie.

Madame Duru.

Oh çà, vous aimez donc ma fille à la folie ?

Le Marquis.

Si je l’adore, ô ciel ! Pour croître mon bonheur
Je compte à votre fils donner aussi ma sœur.
Vous aurez quatre enfants, qui d’une âme soumise,
D’un cœur toujours à vous…


Scène II.

MADAME DURU, LE MARQUIS, ÉRISE.
Le Marquis.

D’un cœur toujours à vous…Ah ! venez belle Érise.
Fléchissez votre mère, et daignez la toucher :