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534 ’ SÉMIRAMIS.

Je n’en pus affaiblir le charme inconcevable. Le reste des mortels me sembla méprisable. Assur, qui m’observait, ne fut que trop jaloux ; Dès lors le nom d’Arzace aigrissait son courroux : Mais limage d’Arzacc occupa ma pensée. Avant que de nos dieux la main me Peut tracée, Avant que cette voix qui commande à mon cœur Me désignât Arzace, et nommât mon vainqueur.

OTANE.

C’est beaucoup abaisser ce superbe courage Qui des maîtres du Gange a dédaigné Thommage, Qui, n’écoutant jamais dé faibles sentiments, Veut des rois pour sujets, et non pas pour amants. Vous avez méprisé jusqu’à la beauté môme. Dont l’empire accroissait votre empire suprême ; Et vos yeux sur la terre exerçaient leur pouvoir Sans que vous daignassiez vous en apercevoir. Quoi ! de l’amour enfin connaissez-vous les charmes ? Et pouvez-vous passer de ces sombres alarmes Au tendre sentiment qui vous parle aujourd’hui ?

SÉMIRAMIS.

Non, ce n’est point l’amour qui m’entraîne vers lui :

Mon âme par les yeux ne peut être vaincue :

Ne crois pas qu’à ce point de mou rang descendue,

Écoutant dans mon trouble un charme suborneur.

Je donne à. la beauté le prix de la valeur ;

Je crois sentir du moins de plus nobles tendresses.

Malheureuse ! est-ce à moi d’éprouver des faiblesses.

De connaître l’amour et ses fatales lois !

Otane, que veux-tu ? je fus mère autrefois ;

Mes malheureuses mains à peine cultivèrent

Ce fruit d’un triste hymen que les dieux m’enlevèrent.

Seule, en proie aux chagrins qui venaient m’alarmer,

N’ayant autour de moi rien que je pusse aimer.

Sentant ce vide affreux de ma grandeur suprême,

xM’arrachant à ma cour et m’évitant moi-même.

J’ai cherché le repos dans ces grands monuments.

D’une àme qui se fuit trompeurs amusements.

Le repos m’échappait ; je sens que je le trouve.

Je m’étonne en secret du charme que j’éprouve ;

Arzace me tient lieu d’un époux et d’un fils.

Et de tous mes travaux, et du monde soumis.